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DÉBAT SUR «L'ART, SON RÔLE ET SA PLACE EN ALGÉRIE» La lutte continue...

Des interrogations, des avis divergents, certains dépassés et d'autres plus urgents, ancrés dans le présent et puis cette manie de faire durer la communication en rond...

L'Association RAJ a tenu en son siège, sis rue Larbi Ben M'hidi une rencontre-débat autour d'une thématique aussi importante que délicate, relative à «l'art, son rôle et sa place en Algérie». Plusieurs artistes de différentes générations ont assisté à cette rencontre qui encore une fois n'a pas échappé aux querelles de dialogue contradictoire tant le sujet demeure passionnant et est loin d'être un jour, exhaustif, car comme l'a bien souligné le modérateur et responsable de l'association, il y a une frustration éminente qui a transpercé le débat, résultat d'un manque flagrant de lieux d'échange et de débat a fortiori dans ce secteur qui, pourtant, fait couler beaucoup d'encre tout en demeurant un vrai casse-tête chinois et surtout la dernière roue du carrosse de l'Etat.
«Une société sans artistes est une société sans âme, l'artiste est l'image de la société, il critique et caricature le quotidien de la société dans le but d'éveiller les esprits et d'interpeller les consciences en provoquant la sensibilité pour le présent et la perspicacité pour le futur. Qu'en est-il de la place et du rôle de l'art et de l'artiste dans la société algérienne? Quelle présence de l'art et de l'artiste dans les espaces publics? Quelle est la mission de l'artiste? La création, loisir et divertissement? Dénoncer, s'engager ou a-t-il un rôle politique?» sont les quelques questions soulevées tout d'abord par les organisateurs. Un débat qui intervient rappelons-le à quelques jours de l'arrestation du guitariste MohVita dans la rue, qui a fini par obtenir une autorisation pour ce faire.
Une occasion encore pour parler de la relation entre l'artiste et les espaces publics. Place aux aînés donc, c'est à l'écrivain et historien M'hamed Rebah d'ouvrir le bal en évoquant l'historique de l'art en Algérie et sa place pendant la guerre d' Algérie, notamment dans le contexte du code de l'indigénat, le théâtre populaire engagé, la littérature de combat menée notamment par Mammeri, Feraoun, Malek Haddad, Kateb Yacine entre autres et les acquis d'après 1962, qui «ont commencé à décliner», a-t-il estimé citant par exemple l'exclusion de plus en plus du théâtre de Kateb Yacine. Et de faire remarquer à propos d'aujourd'hui: «La lutte contre la déculturation continue...» Trouver d'autres moyens de communication et en profiter comme les réseaux sociaux, notamment Facebook est une bonne chose dira un intervenant, a fortiori dans le sens de la promotion des artistes, ce à quoi répondra l'éditrice Samia Zenadi en invitant les gens à relativiser l'impact du pouvoir de liberté de Facebook qui pèche par la censure, notamment lorsqu'il s'agit d'aborder la cause palestinienne. Pour cette dernière qui fera remarquer qu'il existe nettement une culture officielle d'un côté et de l'autre des jeunes qui essayent de s'exprimer clairement, elle relèvera l'absence flagrante de politique culturelle pour faire améliorer les choses, regrettant la folklorisation ridicule qui enveloppe les manifestations culturo-artistiques à chaque fois qu'il s'agit de faire rayonner l'Afrique en Algérie, mais aussi l'absence de prise de conscience étatique quant à l'importance économique que peuvent charrier les énergies pour peu qu'elles soient libérées.
Pour sa part, M. Merzkouk, du célèbre groupe Zerda brossera un triste état des lieux, tout d'abord de sa personne, ayant été souvent marginalisé, quand il faisait partie du théâtre de Sidi Bel Abbès jugé «subversif» aux côtés de Kateb Yacine jusqu'à maintenant ou aucune scène algérienne ne lui ouvre les portes. «On a ouvert le bal à la chanson engagée. J'ai fait huit mois de prison à El Harrach. On a fait de la résistance...» Prenant la parole, le plasticien Karim Sergoua qui est revenu à ses débuts au théâtre dans les années 1970 soulignera avec dépit le désintéressement massif des gens envers la culture et les rassemblements, arguant à l'époque «on pouvait rassembler des milliers de personnes alors qu'on avait ni téléphone ni Facebook.
Aujourd'hui via Facebook c'est à peine quelques personnes qui se déplacent à un événement...» et d'ajouter:
«Il n'y a pas d'initiative politique. On est le seul pays arabo-musulman qui n'arrive pas à se réunir pour discuter autour de notre charte culturelle.» M. Sergoua se souvient avoir été matraqué quand lycéen il s'était soulevé avec ses camarades pour protester contre l'examen du bac. Il abordera aussi ses dizaines d'expérience dans les théâtres régionaux et festivals clandestins qui attiraient du monde, alors que lui il ne savait pas s'il allait pouvoir rentrer chez lui après. Et d'évoquer aussi le rôle de l'Ecole des beaux-arts dans le lancement de pas mal de jeunes artistes algériens, mais aussi l'absence de statut juridique des fondations dont la sienne à la mémoire de Annissa Asselah qui n'a pas été à ce jour agréée. «l'Esba a été la plaque tournante qui a permis à plusieurs artistes de se produire. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'argent qui est distribué. Ces dernières années, ils ont dépensé des milliards pour certains et rien du tout pour d'autres...» Ceci pour illustrer la mauvaise gestion des dépenses du budget étatique qui, s'il est très faible fait profiter énormément d'artistes qui voyagent dans le monde et représentent la culture algérienne, fera entendre Karim Sergoua. Pour la jeune bdéiste Rym Mokhtari, il n'y a pas 36 façons pour avoir de l'argent qui est le nerf de la guerre pour toute production, fut-elle culturelle puisque c'est de cela qu'il s'agit ici. Il y a l'Etat et puis le privé et si ton travail ne correspond pas à la ligne éditoriale et l'Etat est libre d'accepter ou de te financer. Arrêtons avec cette image romantique de l'artiste. Ce dernier il doit manger d'abord. Le problème aujourd'hui demeure dans les moyens de fission de notre art...».
Pour un autre intervenant, l'art est avant tout un choix tandis qu'une jeune fille fera ce triste constat, à savoir «le public n'est peut-être pas prêt à tout recevoir»...Il est évident que tout n'a pas été abordé lors de ce débat comme le manque d'espace de diffusion, la liberté d'expression de l'artiste qui néanmoins a été effleurée mais sans grand approfondissement. Ce qui ressort de ce débat est hélas l'éternel apitoiement pour certains, mais la volonté farouche pour d'autres de continuer même s'il le faut dans le silence. Ce qui est aussi une forme de lutte même si le chemin pour arriver reste long et semé d'embûches...a fortiori quand ses oreilles demeurent bouchées et les mentalités de plus en plus nihilistes dans le pays, pour ne pas dire rétrogrades...

Par O. HIND (source l'expression)

Tag(s) : #CULTURE
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