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Slimane Azem : La force de l’Asefru ou le poète candide (02)

Slimane Azem et le Printemps berbère de 1980

Quand Slimane Azem aborde la décennie quatre-vingt, un autre événement majeur de l’histoire de l’Algérie va se produire : le Printemps berbère d’Avril 1980. Slimane l’a vécu et entendu. Quand les manifestations du Printemps berbère éclatent, Slimane Azem interprète l’événement et donne sa signification dans la célèbre chanson «£ef teqbaylit yuli wass». De sa voix chaude fusait cette dose forte d’espoir et de confiance en l’avenir :

Aqla$ nett$enni nfeôôeê Yebda a d-yettban ûûeê £ef teqbaylit yuli was ......

Xas efreê a yul thenni Ayen akk i d-nettmenni Ass’ agi neffe$ $ures

disait-il dans cette chanson.

Tura mi nemyaɛqal Aqla$ la nettemsawal £ef nnif n teqbaylit

......
Nefka lɛahd i lwaldin

Üûut n teqbaylit ênin Fellas êedd ur d a$-i$ur

Il n’y a pas de recours contre le verdict de la vie. C’est Slimane lui-même qui l’avait déjà dit auparavant dans « Tamijalt ». Dans l’atmosphère du début des années quatre-vingt, il y avait comme des symptômes d’une fin proche. Sa voix, jadis mielleuse, manifeste des signes de grippage. L’effet de la maladie était là et manifeste. Trop tard, elle avait fait son effet et Slimane devait partir sans avoir eu le temps nécessaire de tout nous révéler. C’est à Mouloud Mammeri que cette mission incombe pour nous expliquer le message à la place de Slimane, dans « La cité du soleil » :

« Mais, quel que soit le point de la course où le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que, quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira ».La vie de Slimane Azem a été un parcours plein et vertueux. Elle symbolise et se confond à la vie du héros de l’œuvre romanesque de Mouloud Mammeri. Elle a tout de cette fin tragique que réserve Mouloud Mammeri à son héros ; avec cependant toujours cette petite lueur d’espoir qui pointe à l’horizon, comme pour garantir et s’assurer de l’avenir et la postérité. Pour le cas de Slimane Azem, cette lueur d’espoir était arrivée prématurément : elle a pour nom Lounis Ait Menguellet.

Tizi Ouzou, le 28 Janvier 2017 Arab Aknine.

Eléments bibliographiques :

         -  Slimane Azem, IZLAN : Recueil de chants kabyles. Paris Numidie Musique. 184 pages. Coordonné par Muêend U Yeêya. 1984.

         -  Slimane Azem le poète. Y. Nacib. Ed Zyriab. 2001.

         -  Hommes et femmes de Kabylie. D.B.K. Ouvrage collectif sous la direction 
de Salem Chaker. P 91-103. Edition EDISUD 2001.

         -  Iberdan n tissas : 1934-1965, Mémoires de Messaoud Oulamara. 
Les Editions le Pas Sage. 2006.

         -  Les Mémoires de Mahiedine Bachterzi 1919-1939. Tome1. Ed. SNED, 1968.

         -  Histoire du théâtre en Algérie, un trou de mémoire dans les Mémoires de Mahiedine 
Bachterzi. Bachterzi était-il un collabo ? de Abdelkader Benbrik Article : 
dzactiviste.info.

         -  Mahiediene Bachterzi. Sidna Brahim El Khalil – Algérie. Article : www.okob.net

         -  De petites gens pour une grande cause ou l’histoire 
de l’Académie Berbère (1966 – 1978) de Mohand Arab Bessaoud. 2000.

         -  Insurrection de la Grande-Kabylie en 1871. Colonel J.N Robin. 
Henri Charles Lavauzelle. Ed Militaire.

Annexe1.

Les trois poèmes (1-3) de cet annexe1 ont été chantés par Slimane Azem, mais ils n’ont jamais été enregistrés en disques. Ils ont été rapportés, avec leurs musiques respectives, par Bedrane Hocine sur Berbère TV ; affirmant qu’ils ont été chantés par Slimane Azem au lieudit « Lqehwa N Amer Achour » en 1947 devant le caïd d’Agouni-Gueghrane et ses gardes de champêtres ; non sans avoir exprimé la crainte d’être arrêté, selon le témoin.

- Poème N°1.

Besm elleh a nebdu a nenteq Yak tura a nefreq Baôka-yane$ deg wefôansis Ma i$erreb nekkni a ncerreq Bessif a nfreq

Kul yiwen deg wakal-is Ineslem ad yeddu s lêeq Ma yerna yeêdeq
D ddunit akk d atmaten-is

Tura mi nfaq
Tura mi nfaq
Nekkni d Fôansa a nefreq

Acu$er akka a yinselmen D lɛib fellawen
Barkaw leqmer d ssekôa Teooam akk tamurt-nnwen Čan-tt yaɛdawen

D acu s tettôaoum tura Telha lxawa garawen Öebbi a kken iɛiwen
Ad d-tecbum leonas meôôa

Tura mi nfaq
Tura mi nfaq
Nekkni d Fôansa a nefreq

- Poème N°1. (Traduction)

Au nom de Dieu nous disons : La séparation est inéluctable, Assez des français.
Et nos chemins vont diverger. La rupture est inéluctable. Que chacun reste chez soi.

Le musulman suivra la voie juste, Et s’il est guidé par l’éthique, Tous les hommes sont ses frères.

Maintenant que nous avons pris conscience, Maintenant que nous avons pris conscience, Nos liens à la France seront rompus,

Hé musulmans ! pourquoi cela. Honte à vous,
Assez des jeux et de l’alcool, Votre patrie est à l’abandon Elle est la proie de l’ennemi, Pourquoi attendre encore,

Pour bâtir l’union?
Dieu vous bénira,
Vous ressemblerez aux autres peuples

Maintenant que nous avons pris conscience, Maintenant que nous avons pris conscience, Nos liens à la France seront rompus,

--------------------------------

Au village d’Agouni-Gueghrane, la version répandue de cette chanson est plus complète. La version que Bedrane Hocine rapporte est tronquée. Le complément manquant est le suivant : A saddatt yiwen yiwen, Tilim d amɛiwen, Teddum yakk d Messali, Si zik-is i yetmeêêen, Ixdem f lwaîan, Netta d argaz lɛali,
Maççi am At igennuren (*), Itetten idrimen,
S loiha-nnsen d lxali, Fôansa la tettzuxxu, Tbennu trennu,
£er leonas izad ûûenɛa-s, Lalman $er 18 yettru, Meskin d ayceffu,
40 yerra-d lexsaôa-s,
Si Biljik armi d Buôdu, Yebda la yetthuddu, Lebôuj $ef llsas. Tout comme d’ailleurs pour la version qui circule au
tamurt-iw », il manque le couplet ci-après dans la version enregistrée : A yarrac imeéyanen,
A lefriqiya,
Tekkrem d acu tettôaoum, Tusa-d ssaɛa, D aɛdawen a ten nessufe$, Ma d Öebbi yeb$a,

- Poème N°2.

D aɛdawen-nne$ imeqranen, D At igennuren (*),
Di lbiru la znuzuyen,
Deg yinselmen,

Ur sɛin nnif wala ddin, Am wudayen,
Win yeb$an ad ijahed, Yezwir degsen,

Jeunes gens,
Jeunesse de l’Afrique,

Il n’y a plus à hésiter, L’heure a sonné,

Pour repousser l’ennemi, Avec la grâce de dieu,

- Poème N°2. (Traduction)

Nos pires ennemis,
Ce sont les enturbannés(*),

Ils dénoncent à l’administration Les musulmans,

Sans foi et sans dignité, Tels des juifs,

Qui veut mener la guerre sainte, Doit commencer par eux,

Saints de chez nous,
Venez-nous en aide,
Soyez aux côtés de Messali,
Depuis longtemps dans les tourments, Il a travaillé pour la patrie,
C’est un homme de bien,
Pas comme les enturbannés(*),
Qui se livrent à la rapine,
De leur côté, rien à attendre.

La France se vante,
Ne s’arrête pas de construire,
Pour se bâtir une réputation, «L’Allemagne» pleure sa défaite de 1918, Par sa bravoure, elle n’a rien oublié,
Et en 1940, a pris sa revanche,
De la Belgique jusqu’à Bordeaux,
Elle s’est mise à détruire,
Les édifices jusqu’aux fondations.

village de la chanson « Ffe$ ay ajôad Widen yellan d inselmen, Ur regglen ara,
M’ar asen   d-ssiwlen, Nefû lêurya, Ekkret a nemmet $ef tmurt nne$, Ttaô a t id-nerr,
A tt ilim d irgazen,
D iɛdawen a ten nessufe$, Yiwen yiwen,

D i$eddaôen a ten nene$, D wigad yeznuzuyen,

Wigad yellan d inselmen, Ur regglen ara,
M’ar asen d-siwlen,
Nefû lêurya,

Qui se dit musulman,
Ne doit pas fuir,
Quand il entendra l’appel, La liberté est déjà à moitié.

Levez-vous, sacrifions-nous pour la patrie, Nous accomplirons l’acte de vengeance, Soyez des Hommes
Les ennemis nous les bouterons dehors, Un par un

Les trompeurs nous les tuerons, Avec ceux qui trahissent

Ceux qui sont de vrais musulmans Ne peuvent fuir
Quand ils entendront l’appel,
La liberté est déjà à moitié.

(*) Igennuren : les enturbannés. Ici Slimane Azem l’emploie pour désigner les Caïds. Les nationalistes radicaux du PPA-MTLD vont utiliser plus tard ce terme pour désigner également les Oulémas, avec qui ils étaient en rupture durant la période des années quarante; ce que rapporte Messaoud Oulamara dans ses mémoires (Iberdan n tissas. Mémoires).

- Poème N°3.

Bdi$ taqsiî s lqanun, £ef wina yeznuzun, Atmaten-is $er lkuffaô, Winna lmuluk a t xzun, Bêal lounun, Yetbaɛ taxwizt n lqifaô, Si ddin-is yak d ame$bun, Si loennet yak meêôum, Öebbi maççi ad as ye$fer, A neêlu ncalleh, A neêlu ncalleh.

------------------------

Je débute mon récit selon la règle, A propos de celui qui moucharde, Ses frères aux impies,
Celui-là sera banni par les anges, Au même titre que les diables,

Il court après le pain de l’indignité, Perdu pour sa religion,
Au paradis, nulle place pour lui,

Le bon Dieu pour lui sera impitoyable, Nous guérirons in challah, Nous guérirons in challah.

Annexe 2. Ces poèmes sont de Sayd Ulamara n At Waɛli (Azem Said, né présumé 1841, décédé vers 1902). Ils ont été recueillis par Ammar Zentar auprès de Azem

Ferroudja, décédée depuis.

- Poème N°4.

Yiwen illa d uêdiq, Itellem le$zel rqiqen, Yiwen illa d uêdiq, Ittzalam deg yemdanen,

Yiwen illa d uêdiq, Ismentag medden ôeqqen,

Yiwen illa d ungif,
Mi tt zlan ad as ttɛallqen,

- Poème N°5.

Ad ken ôecde$ a yatma, Tem$er bab-is d lxali, Ula d llɛazz ittiwsir,

Jeôôbe$-t iɛadda felli,
Sser yettrus ger tuyat,
Mi tɛannenev ad ak ye$li,

- Poème N°4. (Traduction).

Il se déclare avisé et sage,
Comme qui file de la soie fine,
Il se déclare avisé et sage,
Et regarde les gens du coin de l’oeil,
Il se déclare avisé et sage,
Il attise le feu pour que les gens brulent, A qui est sot,
On ferra porter le chapeau.

- Poème N°5. (Traduction).

Mes chers frères, acceptez mon conseil, La grandeur de la suffisance aveugle, Même l’honneur finit par s’user,
Cette expérience, je l’ai éprouvée,

La grâce se porte sur les épaules, Dès qu’on se cambre, elle tombe.

Annexe 3.

Ces poèmes (7 et 8) sont de Lêao Ameô n Lêao Busad , Azem Amar né en 1896 décédé en juillet 1974. Je les ai recueillis en juillet 1992 auprès de sa fille Feroudja, décédée depuis.

- Poème N°7

IDDAWEN.

Bdi$ lxedma n leêlal,
Kecme$ di l$aba a tt-fferse$,
A tt id-ferrse$ d isu$al(1),
A ttezzu$ ttjellile$ (2), Svehôe$-ed lɛin di ttnaûfas, Degs i ssiride$ mi yumse$, Iwwet-ed wedfel d aqerrêan, Iêebs-iyi ur $$ures d-ttase$, Ff$en-d wufsiden n leɛmal, £eééan asegmi-s vellse$,
A wi tt yerran d aqecwal,
Ad yess ggaoe$ ôuêe$,
A d-xella$ sebɛa n laɛôac,
Ar leêûin a din erse$,
Ad ooe$ ufsiden n laɛmal,
Di d yiwen n yiddew a t ɛasse$.

- Poème N°7. (Traduction) LES SINGES

J’ai travaillé dans la loyauté,
A défricher un maquis,
Je procédais par étapes,
De la plantation et la protection, Avec cette source d’eau au milieu, Pour me désaltérer et me laver, Tombe une neige épaisse, Qui m’empêcha de m’y rendre, Sortent alors les singes destructeurs, Pour se repaître des jeunes pousses, Ah ! Si mon panier pouvait la porter, Afin d’emménager  avec,
Jusque derrière les sept cieux,
Pour me mettre sur l’arêtière,
Et m’éloigner de ces malfrats,
Si nombreux à contenir.

(1) Isu$al (forme de pluriel qui veut dire bandes ou tranches)
(2) Ttjellile$ (Ajellel = action de protéger un arbre avec de la plante épineuse tout autour de

- Poème N°8.

YIR LOAR.

Yir loar seg lmerra, Fellas i yefna igiooi,
Ur ak d-iheddeô lmaɛqul, D awal-is s wenîeooi, £as qass-it ad yerr avar, Ttin ig yetteêwioi,

- Poème N°8. (Traduction) LE MAUVAIS VOISIN.

Un mauvais voisin, quelle misère ! Mieux vaut l’exil,
Dans ses rapports, nulle place au sens, La palabre c’est son affection,

Le rasséréner c’est inutile, Tu perdras ton temps.

son tronc pour le rendre inaccessible)

Annexe 4.

Ces poèmes (9-12) sont de Blayd n Lêao At Waɛli, Beddek Blaid né présumé en 1871 décédé presque centenaire. Je les ai recueillis en juillet 1992 auprès de Azem Hedjila, sœur de Slimane Azem, et de sa cousine Ferroudja, toutes deux décédées depuis.

 Poème N°9

LMEËNA UKABIL A yecɛal uqendil,

Si lmeêna n « kabyle », Jeggfen-a$ bezzaf nennteô, Labsant lukan di teêlil,
D aman b-bavil,

Mi neswa ccôab a-nfekkeô, Zi$ ddunit tettbeddil, Tettɛaddi am îîumubil, Nekkni a tt id-neîîafaô,

- Poème N°10

WIN YETTMECàIWEN £EF TMURT

I win yettmecçiwen $ef tmurt, Ur iban êedd wi tt-ilan, Nekkni nettalas lqut,
Nettat bab-is d ûelîan

Ar anga neb$u nôuê Leqraô nne$ d iéekwan.

- Poème N°11

AËBIB ANEKKAÖ

Ulac i gceggben ôôas-i
D aêbib yellan d anekkaô Mi tella lêaoa $er $uri Iddem itt ur degs nemcawaô M’iyi tu$al lêaoa $er $ures A yi d-yettjab $ef laɛkkeô.

- Poème N°9 (Traduction)
LA MISERE DU KABYLE.

La lumière a rayonné,
Des tourments que provoquent les kabyles, Qui nous asphyxient à l’extrême,
Si l’absinthe était licite,
Et le vin avec elle,
On verrait plus clair,
Ainsi la vie est pleine de surprises,
Elle file comme une voiture,
Et nous ne faisons que la suivre.

- Poème N°10 (Traduction)
L’APRE AU GAIN DE LA TERRE

A cet âpre-au-gain de la terre,
Sache qu’elle n’est la propriété de personne, Seul son fruit nous revient,
Même si son maître est seigneur,
Qu’on aille où l’on veut,
Au final la petite place au cimetière.

- Poème N°11 (Traduction) L’AMI INGRAT

Nul ne me révulse plus, Tel que l’ami ingrat,
Il s’approprie mes biens, Sans mon consentement, Et à l’inverse,

Nulle réciprocité.

- Poème N°12

£EF WERGAZ YEZZIN

Irgazen ma d-ssefken £elben ajenjar tilwa M’ara d-ezzin d aêeggam Adfel deg-s i yetteêrari Ur ttsetêin ur ttaggaden Ad a$ ineooi ôebbi.

- Poème N°12 (Traduction)
L’HOMME DANS SA MECHANCETE

Les hommes dans leur générosité, Sont si gracieux que le figuier, Dans leur repentir disgracieux, Même la neige disparait,

Ils ne reculent devant rien, Que Dieu nous en préserve.

Arab AKNINE  (source el watane ) la suite et fin.
Tag(s) : #CULTURE
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