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Dans un parcours de marathon, en espace de deux jours, la diaspora algérienne établie de ce côté de l'océan Atlantique a eu l'occasion de rencontrer Saïd Sadi pour assister à deux conférences : une du côté de Montréal, et Ottawa de l'autre. 

A Montréal 

C'est au Centre St-Pierre à Montréal que la première a eu lieu devant une assistance très nombreuse venue écouter les analyses de l'ancien leader du RCD. «Une révolution inédite ou l'éveil de l'Histoire?» est le thème de la conférence. 

Pour le mot de la bienvenue, c'est le docteur Madjid Yesli, modérant en compagnie de Nacer Irid, et Hocine Toulait comme président du CKC qui ont eu le privilège de le faire dans un bref hommage au Dr Sadi, et un remerciement à ceux qui sont venus l’écouter.

Avant d'entamer la conférence, Said Sadi a tenu à saluer, en premier, les représentants du CKC pour leur dévouement mis au service d’un espace de libre débat pour construire la cité démocratique. Et en deuxième, il remercie les autorités canadiennes qui ont été les premières à délivrer un message de soutien à la révolution qui se déroule en Algérie. Il fait référence à l'ambassadrice du Canada à Alger, Patricia McCullagh qui s'est exprimée en juin passé au sujet de la crise politique en soutenant l'idée d'une transition démocratique pacifique en Algérie. 

Dans la foulée le fondateur du RCD a rappelé à l'assistance que le Canada est l'un des rares pays qui a toujours été pour la cause algérienne, l'ancien premier ministre René Levesque a, en effet, plaidé pour le FLN pendant la guerre de libération quand il était journaliste à Radio-Canada.

Said Sadi a tenu à souligner que sa génération a toujours eu de l'intérêt pour ce pays qui pourrait devenir un modèle inspirant à plus d’un titre pour en finir avec l’héritage jacobin français qui a aliéné la future nation algérienne.

Dans le même sens, l’orateur a relevé que la refondation nationale que le peuple réclame à travers une révolution qui dure depuis le 22 février est un enjeu fondamental qui exige une grande attention politique et intellectuelle pour déjouer toutes les manœuvres qui la guettent. D’ailleurs, il a rendu hommage aux femmes et aux jeunes qui continuent à animer le mouvement en veillant sur ses revendications démocratiques. Sans eux, a-t-il déclaré, la révolution ne pourra pas durer cinq mois pour exiger les préalables du dégagement du système afin de construire un État civil et non militaire. 

L'origine de l'insurrection citoyenne ? Avant de répondre à cette question, l'orateur avise que la contre-révolution n'est pas prête d'abandonner face à l'exigence du citoyen. Le système avec l'État-major et ses supplétifs sont déterminés à faire taire la rue par les moyens de répression, d'intimidation et de menaces dans le but d'imposer une alternance clanique. La feuille de route du chef d'État-major est un projet qui s’oppose à l'idée fondamentale de la période de transition démocratique. Alors que le message de la rue est clair. Il dénonce le système militaro-policier qui a détourné l'indépendance en 1962 et appel à une rupture radicale.. 

La réaction populaire est un signe d’éveil historique. Malgré les grands investissements du pouvoir pour aliéner la société à travers le système éducatif négateur de vérité historique? Malgré les manœuvres de pollution, de minoration et division, le pouvoir a échoué. L’esprit de la Soummam censuré et diabolisé dès 1956 irrigue les manifestations alors que le putsch du Caire de 1957 et celui de Tripoli de 1962, maquillés et célébrés sont condamnés par la rue. 

Il a évoqué un bel exemple, le courage de Madame Drifa Ben M'hidi, la sœur de Larbi, qui a brandi une pancarte : «Retour à la Soummam. Primauté du politique sur le militaire». Elle est parmi le peuple malgré son âge avancé. 

Continuant ses analyses, Said Sadi rappelle que c’est l'assassinat d’Abane Ramdane en décembre 57 qui a étouffé le message de la Soummam. Une chape de plomb est imposée au pays par les fossoyeurs de notre destin dès l'indépendance. Les assassins d'hier ont des héritiers aujourd'hui accuse-t-il. D'ailleurs, avec l’impéritie du système, on peut constater dans quelques manifestations quelques "hommes sandwich" dénonçant Évian et la Soummam et les opposer à l'appel du premier novembre. C'est une fausse manœuvre, une aporie qui ne répond à aucune logique, car les trois événements sont imbriqués les uns les autres.

«Novembre est un appel à l'insurrection, la Soummam est la traduction politique et institutionnelle du combat libérateur et Évian la consécration» résume Said Sadi. 

Recourir à la double imposture pour troubler les esprits avec la «badissiya novembria» est la pire équation pour falsifier l'Histoire, car le mouvement oulémiste de Ben-Badis s'est opposé frontalement à l'insurrection de novembre 54.

Le projet de la primauté du civil sur le militaire a été torpillé à partir du Caire en 1957 par le même courant militaro-islamo-populiste avec la supervision d'un Fethi Dib, responsable des services de renseignements sous Nasser. Aujourd'hui, la révolution de 2019 est menacée par le chef de l'État-major soutenu par les Émirats arabes unis avec la bénédiction de l'Arabie Saoudite et de l'Égypte de Sissi. 

Au passage, L’ancien dirigeant a soulevé l’image désolante d’un militaire venu féliciter les joueurs de l’équipe nationale qui venaient de remporter la coupe d’Afrique des nations. 

Ottawa 

C'est toujours sur invitation du CKC que le lendemain dimanche à l'académique Hall de l'université d'Ottawa que la deuxième conférence - «Quelles issues possibles en Algérie?»- s'est tenue devant un parterre composé essentiellement de chercheurs universitaires. À noter la présence d’une Marocaine venue dire que la révolution algérienne concerne toutes les femmes d’Afrique du Nord et de canadiens d’origine soucieux de voir comment la société civile de leur pays peut donner un écho plus profond à la solidarité de leur gouvernement. 

En fait, c'est un prolongement à celle de Montréal. Le conférencier a abordé la problématique politique avec les trois acteurs qui sont en jeux notamment le peuple, l'État-major et les puissances étrangères. L'impasse politique dans laquelle le pouvoir a entraîné la nation algérienne depuis le 9 juillet mérite de situer les trois leurs rôles. Une situation qui est à la veille de provoquer une crise économique qui impactera sévèrement les plus larges couches de notre peuple selon le Dr Sadi, il est urgent d'aller vers des décisions réfléchies si on veut atténuer les effets de cette crise socio-économique annoncée. 

Le peuple n'a pas l'intention d'abdiquer. Il reste impavide devant les menaces permanentes de Gaid Salah. La société civile dans sa globalité refuse de céder. La rue envoie des messages tous les jours, mais le pouvoir refuse de les capter. Au contraire, il use d'une manière brutale, il a mis en prison des animateurs du mouvement, ceux qui brandissent l'emblème amazigh et ceux qui le critiquent comme Lakhdar Bouregaa.  

L'état-major qui a pris la destinée du pays par la force n'est plus légitime au regard de la constitution depuis le 9 juillet. La présidentielle à laquelle il s'affaire n'est rien d'autre qu'une alternance clanique dans le même système explique Said Sadi. D’ailleurs, il qualifie Gaid Salah l’une des pires séquelles de Bouteflika.

Après cette introduction la Dr Said a longuement décliné l’idée d’une convention nationale composée de délégués provinciaux, de représentants d’organisations socio-professionnelles crédibles et des représentants de la diaspora. C’est a-t-il assuré la seule manière d’éviter les questions inévitables de la légitimité de la représentativité. On ne peut pas se permettre de revivre la déconfiture des arouchs pendant laquelle quatre individus qui se sont auto proclamés porte parole du mouvement ont coopté quelques relais qui ont fini dans des agapes avec le pouvoir amenant l’extinction du mouvement dans une gabegie qui a profondément déstabilisé les populations. 

De cette transition démocratique, on peut choisir une présidence collégiale pour reprendre la fonction de chef d'État, un gouvernement qui va gérer les affaires courantes, une commission indépendante pour l'organisation d'une élection parlementaire et un groupe de constitutionnalistes pour veiller à la conformité constitutionnelle des lois. 

Said Sadi met en garde pour une constituante qui ne serait pas balisée par des préalables démocratiques. L’erreur de 1963 doit être méditée avertit-il.

Ces propositions font toujours l'objet d'un débat dans diverses régions.

Pendant ce voyage dans l’Histoire rythmée par des immersions dans l’actualité, Said Sadi a également abordé les problèmes géo politiques.  

À Montréal l’ancien fondateur du RCD a rappelé que l'Algérie est toujours sous une tutelle pour des raisons assez simples. Les dirigeants protègent leurs propres intérêts et non ceux du pays. La France avec la stratégie de Gaulle pour le projet de France-Afrique, et l'Égypte qui est devenue une nation qui exporte l'idéologie du panarabisme, ont bien pris en otage l'Algérie depuis 1962. Aujourd'hui, d'autres pays comme les Émirats arabe unis et l'Arabie saoudite ont profité de la fragilité politique du pouvoir pour consolider leur influence idéologique et économique. 

À ce propos, il cite l'exemple de la Libye devenue la proie des jeux de ces monarchies qui se disputent son tutorat. 

Saïd Sadi réplique à ceux qui sont pour les présidentielles. Il avertit que c'est insensé d'élire un nouveau chef d'État avec les mêmes modalités en termes de conditions sur l'organisation des élections. 

Signalons que pendant son périple canadien Said Sadi a rencontré le député fédéral de Sherbrooke, Pierre-Luc Dussault du NPD (Nouveau parti démocrate) auteur de la correspondance adressée au ministère des Finances du gouvernement afin d'ouvrir une enquête sur les dirigeants algériens et d'autres oligarques qui ont fait des transactions financières anormales, et ce depuis le 22 février. 

Aussi, il a eu des entretiens avec des journalistes de Radio Canada; radio Canada international et le journal Le Devoir et des médias communautaires.

Loin de s'arrêter là, Saïd Sadi continue d’animer les débats sur la toile et les espaces du possible.
Auteur Du Canada, Mahfoudh Messaoudene ( Source le Matindz)

 

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