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laicite.pngDans une société saine qui se respecte, respecte et met sur un piédestal l’altérité, c’est-à-dire une place conviviale pour l’autre, sa pensée, son origine, sa croyance, sa conscience, son regard sur le monde qui l’environne, son sexe, sa couleur… le débat est civilisé, oppose les opinions, uniquement les opinions. L’anthropologie de la violence nous explique qu’il n’y a pas une société qui a l’apanage de la production des violences, qu’il n’y a aucune société vaccinée contre le génocide et l’hécatombe…

 

 

Ce qui se passe ces jours-ci autour de la charte de la laïcité est grave. Le débat, il est vrai, est sain, constructeur, éprouve notre définition de l’altérité, de l’espace citoyen du vivre ensemble. Cependant, ce qui est grave, ce qui est tragique même dans le tas, c’est l’intimidation décomplexée, la menace vulgarisée sur les médias sociaux. Ëtre québécois et s’exprimer en faveur de la laïcité est chose aisée, mais être musulman ou d’origine musulmane et prendre la parole publique ça l’est moins et pour cause, l’islamisme, ce fanatisme puisé dans les déserts innombrables de l’homme, ne sait pas ce qu’est l’altérité, ne peut comprendre que la pensée est processus pluriel qui mène à l’opinion, à la conviction, au regard que l’on pose sur le monde alentour. Menacer, apostasier, tuer, exiler, excommunier… c’est son loisir favori.

 

«Depuis 1992, le nombre d’écrivains persécutées, emprisonnés, assassinés, exilés ou censurées a atteint un record : plus de trois mille. Qu’ils soient bosniaques, albanais, syriens, algériens, tunisiens, iraniens, turcs, kurdes, berbères, marocains, saoudiens, koweïtiens, nigérians, égyptiens, afghans, bengalais…»[1]. Pourtant, qu’est-ce qui explique que la majorité claire des Africains du nord sont pour la charte alors que les langues ne se délient pas pour autant ? Bien pire, quelle est cette genèse là qui fait que l’islam politique perd du terrain en terre musulmane alors qu’il grignote insidieusement, obstinément, enfourchant le cheval de Troie de la laïcité positive, l’espace public en occident ?

 

Eh bien, au-delà de toutes les considérations sociologiques, politiques, économiques, etc., il y a surtout et d’abord la méconnaissance des élites occidentales de la déferlante islamiste – l’affaire du tchador enclenchée par le PLQ en est la parfaite incarnation. Même des chroniqueurs célèbres cherchaient sur le Web…–. Syndrome de la vérité, aurait dit Hugo, qui fait tout voir mais ne se laisse pas regarder. Autrement, on a beau le répéter sur toutes les officines, crier à tue-tête sur les toits, expliquer que l’islamisme puise dans les sentiments méphitiques des hommes, que c’est une idéologie qui œuvre par la vindicte, la haine et l’inimitié, que son métier est la désertification de la verdure, le bannissement du vivant, la sexualisation de tout ce qui bouge… les anthropologues et islamologues ont beau expliquer que ces gens n’ont rien à foutre de la laïcité ni de la démocratie, que juste un siècle en arrière, l’islamisme n’existait pas, etc., rien n’y fait, l’islamisme, arguent-ils dans des logorrhées dithyrambiques qui ne tiennent ni à fer ni à clou, est solvable, intégrable, vivable. Que l’on assermente publiquement des fillettes sur le port du voile, que l’on s’attaque et menace publiquement des intellectuels, intente des procès à chaque fois que l’on émette une opinion un brin osée (le cas de Djemila Benhabib), n’outrage ni n’offense grand monde. De toute manière, ça n’arrive qu’aux autres. Au reste, qu’ils se démerdent avec leurs bondieuseries, pourvu que la chose ne nous atteigne pas ! Le sujet n’est pas vendeur médiatiquement, n’est pas pesant sur une balance électorale. Pour amasser des voix, cet autre argent politique, le politique s’accommode bien –on en doutait !– de la couleur, de l’odeur ou même de la ferveur belliciste d’aucuns.

 

La députée Fatima Houda Pepin a démissionné du PLQ pour sa position controversée sur le Tchador

Que les politiciens de la politique politicienne le comprennent, et que les islamistes le veuillent ou pas, le voile n’est pas une revendication de l’islam, et à supposer que c’en est une, eh bien, c’est une revendication du 7e siècle, car comme la loi du talion, comme les vendettas, comme la Dhimitude, comme tant de choses disparues qui n’incommodent par ailleurs aucunement ces islamistes, ce tissu emblématique est irréconciliable avec la modernité. Les religions ont été acculées par les Lumières dans l’intériorité, dans les croyances tréfoncières, dans l’espace intime des gens, et ils doivent y demeurer. C’est salvateur pour les croyants comme pour les non croyants, les fanatiques comme les tièdes.

 

Le voile n’est la revendication que des doctrines islamistes comme le wahhabisme. La preuve en est qu’il n’admet aucune différence, aucune autre lecture de la lettre. Le soufisme, le Mutazilisme, les musulmans Ibadites… tous ces islams qui s’accommodent de l’espace temps alentour, lui sont délétères, menaçants ou tout bonnement faux: «L’objectif du wahhabisme diffus est de faire oublier le corps, l’objet, l’espace, la beauté toutes ces occultations imposent une amnésie généralisée, une des caractéristiques de la maladie qui a atteint le sujet d’islam.»[2].

 

Ce sont seulement les tenants de l’islam politique qui hissent le vêtement idéologique sur un piédestal et en font un référent symbolique. L’islamisme propulsé par le pétrodollar qui apanage le sens désormais et s’arroge la vérité ultime, ne laisse aucune parcelle d’expression pour l’autre, est cette idéologie là, seulement cette idéologie, qui ne trouve pas son affaire dans la laïcité et pour cause; parce qu’elle n’arrange pas ses affaires économiques comme sociales, elle lui est de Satan et de ses suppôts, elle ne peut se substituer à l’islam religion et état, à la théocratie de la Oumma mondialisée dont eux, les califes, seront, bien entendu, les lieutenants attitrés des cieux, les mandataires de l’ordre céleste.

 

Le Québec, après la France, propose un débat qui concernera bientôt toutes les sociétés avancées. La question se posera à tous et à toutes quant au retour par la petite porte du religieux dans la sphère publique. Et si ces états ne font rien dès maintenant, laissent les communautés dériver et s’éloigner les unes des autres par leurs conceptions indiscutables et indiscutées de la vérité, du sens, eh bien, ce sera à coup sûr le choc des certitudes pour des guerres de religions et des Saint-bartelemy plus génocidaires !

 

Cependant, il est du devoir du Québec de protéger ses citoyens et citoyennes. C’est très grave qu’une opinion exprimée sur la place publique soit le prétexte pour une propagande islamiste déguisée qui surenchérit -directement ou indirectement- sur l’apostasie d’une telle ou d’un tel, sur l’islamité ou non de tel coreligionnaire… des intégristes qui menacent dans l’anonymat que procure Internet pour livrer en pâture le Musulman laïc aux déboussolés de la nouvelle époque.

Ce n’est pas normal que l’islamisme gagne du terrain ici comme partout en occident alors qu’il en perd chaque jour en pays dits musulmans.

 

Pour le reste, c’est ici, dans l’instantanéité, qu’il faut chercher une partie des dérives communautaristes et mulriculturalistes : la difficulté pour des individus de se détacher de leurs groupes ethniques ou religieux. Comme si la parole était canalisée, était l’apanage du groupe et non des identités individuelles, la revendication collective avant qu’elle ne soit l’expression du Je. C’est souvent dans le communautarisme que s’annihile l’altérité, que l’on tourne le dos à l’autre si on ne le désigne pas de naturellement ennemi ; c’est dans la parcellisation de l’espace public que l’on se ferme sur les possibles, que l’on exclut et s’exclut, ostracise, frappe du seau de l’anathème, tue quelquefois pour l’honneur, bref, que l’on rationne la pensée en permis et non permis, licite et illicite, autorisé et interdit, aliéné ou pieux, sain ou dissolu…

 

Je connais des gens laïcs, naguère aux idées tranchées quant au caractère oppressif, régressif et sexiste de tous les voiles, qui ont fini par céder aux stratagèmes victimaires islamistes et qui ont fini par ne voir dans le projet moderne et fédérateur auquel aspire la laïcité en général qu’une entreprise xénophobe… Et pour quelle raison ? Eh bien, la raison en est simple : ils ont peur de sortir du groupe, d’être montrés au doigt par la foule, alors que, disait Sénèque, la preuve du pire c’est la foule ! Ils préfèrent la position du parti libéral qui jure dieux et saints que la fumée au loin n’en est pas une ; que c’est de la brume… en attendant l’incendie qui nous engloutira tous…

Les femmes d’origine musulmane qui ont pris la parole publiquement au Québec, à l’instar de Djemila Benhabib, Fatima Houda Pépin, Nabila Ben Youssef, Leila Lesbet, et la liste est longue, sont intimidées, désignées de tous les noms sur la toile par des intégristes incapables d’imaginer la possibilité que l’on puisse être musulman ou d’origine musulmane sans réfléchir comme eux…

 

Le Québec doit protéger l’espace public de ces dérives haineuses. On peut être différents, on doit être différents pour la santé de la démocratie, mais personne n’a le droit au nom de la liberté d’expression arrachée dans le sang par la modernité d’insulter et de menacer. Car, faut-il encore le rappeler, la tolérance est notre capital, notre trésor commun, notre magot illimité. Les islamistes, tous les fanatiques eux-mêmes ne trouveraient plus notre monde digne sans cette conquête de la pensée savante, des Lumières qu’ils pourfendent pourtant ; sans ces intellectuels et penseurs que l’on désigne de tous les noms… nous serions encore au stade des guerres ethniques, religieuses, raciales… interminables.

Dans une société saine qui se respecte, respecte et met sur un piédestal l’altérité, c’est-à-dire une place conviviale pour l’autre, sa pensée, son origine, sa croyance, sa conscience, son regard sur le monde qui l’environne, son sexe, sa couleur… le débat est civilisé, oppose les opinions, uniquement les opinions. L’anthropologie de la violence nous explique qu’il n’y a pas une société qui a l’apanage de la production des violences, qu’il n’y a aucune société vaccinée contre le génocide et l’hécatombe.

 

Le nazisme était une folie, une aliénation d’un fou qui a fait des dizaines de millions de morts… mais cette démence aurait-elle seulement exister sans le maquis du silence et de l’omerta rempli par des hommes et femmes indifférents ? Pendant que le Führer exterminait, les gens chantaient, lisaient, allaient à la plage, travaillaient…

La comparaison est exagérée, j’en conviens, mais je veux dire que l’insulte, la menace et l’intimidation banalisées sont pour la violence ce qu’est l’étincelle pour le feu… si l’on laisse ces choses graves se vulgariser et se décomplexer sur la toile, eh bien, ce sont là les éléments d’une ratatouille explosive d’une société.

 

L’espace du vivre ensemble démocratique est un compromis, un contrat social pour protéger et couver les œufs fragiles des douces réciprocités. Un rien suffit pour remettre en cause les cultures conciliées ou réconciliées pour confluer vers l’essor de tous et de toutes. Il faut que l’état et la société protègent cet acquis.

 

Louenas Hassani

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