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Entretien avec Aldjia “Mon nouvel album à la rentrée”

Dans cette interview qu’elle a bien voulu nous accorder lors de son passage au siège de notre journal, la chanteuse Aldjia nous parle à cœur ouvert.

La Dépêche de Kabylie : Peut-on, pour commencer, avoir un bref historique de vos débuts dans la chanson ?
Aldjia
: Bonjour à tous. J’ai fait mes débuts dans la chanson avec le groupe Djurdjura. C’était un passage très court (une année, au plus), mais cette expérience m’était bénéfique et pertinente dans la suite de mon parcours artistique, dans le sens où j’ai appris plein de choses sur les techniques vocales et autres exigences du chant. Avant d’entamer une carrière en solo, j’ai fait beaucoup de duos avec de grands chanteurs, comme Fahem Mohamed Said, Ait Menguellet, Ait Meslayene, entre autres. Ma première cassette intitilée ‘’Rrouba n chache (Rruba n ccac) que j’ai enregistrée en 1982, a eu un fort succès, avec notamment la chanson phare ‘’Rruba n ccac’’. C’est cette chanson là qui m’a vraiment propulsé au-devant de la scène au point où ce titre me colle comme un pseudonyme : qui dit Rruba n ccac, dit Aldjia.

Cette robe est-elle encore dans votre garde-robe ?
Oui, rruba n ccac est encore en moi. J’aime l’originalité et tout ce qui a trait au traditionnel. Je suis restée dans mon style avec des airs tirés du terroir, tout en introduisant des instruments modernes de la musique.

Malgré que vous soyez partie en France à l’âge de 11 ans, vous n’êtes pas une déracinée. Vous tenez, contre vents et marées, aux traditions et à la culture kabyle. Quel est votre secret ?
À la maison, on ne parle que le kabyle. Que ce soit avec mon père ou avec ma mère. Nous tenons beaucoup à notre culture et nos traditions, en gros à notre kabylité. Nous ne voulons pas être des déracinés même dans un contexte différent de celui du pays et un milieu des plus hostiles à la préservation des traditions. C’est une question de dignité pour notre famille. Et puis, à l’extérieur, je côtoie souvent le milieu kabylophone. Je fréquente le tissu associatif qui est très actif en France ; il y a, aussi, mes rencontres avec des artistes kabyles pendant les fêtes de mariages et des concerts que nous animions ensemble. Vous voyez, même à l’extérieur, nous avions créé notre propre milieu qui était un adjuvant dans la préservation et la promotion de notre langue.

Et pourtant, vous étiez destinée à la haute couture. Comment s’est fait ce tournant de vie, d’un métier de styliste à une carrière de chanteuse?
La couture était pour moi un métier, je gagnais ma vie avec. La chanson était juste une passion, au début. Mais avec l’arrivée de mes enfants, le choix s’est vite opéré. Ils sont plus importants que la couture et le chant. Je ne pouvais pas faire tout au même temps. Élever des enfants est une grande responsabilité, à mes yeux bien sûr. Par la suite, j’ai opté pour la carrière artistique. C’était mon choix.

Cela explique, peut-être, votre absence de la scène. Votre mariage est-il une contrainte ?
Après mon passage au groupe Djurdjura, j’ai fait des duos avec Fahem, Ait Menguellet et Ait Meslayène, puis j’ai entamé une carrière en solo en produisant ma première cassette ‘’Rruba n ccac’’ en 1982, puis une deuxième intitulée ‘’Si Moh Ouali’’. À partir de là, j’ai choisi de faire un break. Je me suis mariée et j’ai fondé un foyer comme toutes les femmes qui se respectent. Après, je me suis consacrée, à plein temps, à l’éducation de mes enfants. Ensuite, rebelote : j’ai repris les studios avec d’autres albums.

Dans l’un de vos albums, vous avez rendu un hommage à deux femmes. Pourquoi Hnifa et Bahia Farah seulement ?
J’ai rendu hommage à deux anciennes icônes de la chanson kabyle. J’ai commencé par rendre hommage à la défunte Zohra (ad tt-yerḥem Rebbi) dans un album. J’ai mixé une chanson de Bahia Farah et un acewwiq de Hnifa dans mon autre album mais, malheureusement, ce dernier n’a pas été distribué.

C’est quoi ce problème de distribution ?
Le problème est courant, c’est celui de tous les chanteurs avec les éditeurs. Personnellement, je pense que la relation entre le chanteur et l’éditeur doit être basée sur un respect mutuel et une certaine honnêteté dans le travail de distribution et d’édition, mais cela n’est pas le cas, malheureusement, sur le terrain. Concrètement, ce milieu est une jungle où les fausses promesses règnent en maître. Et puis, la majorité des éditeurs s’immisce dans nos compositions en exigeant d’autres styles que les nôtres. Ce qui nuit gravement à l’art en général et à la chanson en particulier. Je ne suis pas contre les ‘’Spécial fêtes’’ qui sont une nécessité pour notre société, mais rien n’empêche de prendre en charge ces chansons à textes, comme les miennes. Prenant comme exemple mon album ‘’Seqsi ul-iw’’. Le producteur ne l’a pas édité convenablement, il l’a fait avec un tirage très très limité, pour ne pas dire restreint, puis il est resté chez lui. Moi, je me suis occupée du domaine de la publicité, j’ai été à la radio, aux journaux. J’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir. Voilà, à chacun son rôle et chaque personne doit assumer ses responsabilités.

Y a-t-il une différence d’appréciation sur le plan musical et textuel entre les anciens chanteurs et la nouvelle génération ?
Avec tout le manque de moyens qui caractérisait l’enregistrement, nos anciens chanteurs ont fait des merveilles, que ce soit en musique ou sur le plan textuel. J’aime bien écouté les anciens maîtres. Même s’il y a des fois des insuffisances chez la nouvelle vague de chanteurs, mais rien n’empêche que nous avons de très bons produits, actuellement. Et puis, comme disait l’adage : «il faut de tout pour faire un monde».

On vous voit rarement en concert ici au pays…
Comme je me suis installée en France, donc il y a ce problème de communication et de disponibilité. Quand je suis ici au pays, j’essaie de rendre ma venue visible pour d’éventuels concerts comme c’est le cas, actuellement, à la maison de la culture Mouloud Mammeri qui m’avait programmée pour ce Ramadhan à l’annexe d’Azazga. J’ai un autre concert à la salle des fêtes ’’Yazourène’’ pour ce vendredi 24 juin, comme j’attends la confirmation d’autres dates. Il y aussi ces fêtes de mariages pour cet été sans oublier ces galas que j’anime gratuitement dans le cadre associatif.

Pour vous produire, votre préférence va pour la France où l’Algérie ?
Ce n’est pas la même chose, ce n’est pas les mêmes contextes. Ici, nous sommes chez nous. En France c’est différent, c’est un peu plus difficile qu’ici. Mais, personnellement, j’aime chanter dans les deux rives, même si j’ai un petit penchant pour le pays.

Contrairement à ce qui se passe de par le monde, où pendant les concerts de grands chanteurs, les premières parties de la scène sont généralement laissées aux nouveaux artistes, les chanteurs kabyles n’ont pas cette culture de solidarité dans leur pratique. Cela est dû à quoi à votre avis ?
Ce que vous dites est juste. Qu’est-ce que je pourrai ajouter, encore, à ce sujet si ce n’est la gestion clanique et clientéliste du secteur par les propres chanteurs. Une gestion qui remonte de plus en plus en surface et qui affecte sérieusement les liens entre ces artistes. C’est malheureux. Sous d’autres cieux, les grandes figures de la chanson accompagnent les générations montantes. Mais ça, c’est une autre culture, une habitude.

Vous avez suivi, sûrement, la polémique déclenchée sur les réseaux sociaux concernant la participation de Idir et Ait Menguellet à la réception de l’ONDA. Un mot là-dessus ?
Ce sont des chanteurs comme moi. Je ne peux pas les critiquer. Chacun sait ce qu’il fait, et que chacun assume ses gestes. Ils sont majeurs et vaccinés. Je ne m’occupe que de ma propre personne. Et je m’éloigne de tout jugement de valeurs.

Revenons si vous le voulezbien à la chanson. Y aura-t-il du nouveau ?
Je suis actuellement en studio, je travaille doucement mais sereinement. Je suis en train d’enregistrer mon prochain album qui sortira en septembre prochain si les choses se passent comme prévu. Je travaille en collaboration avec un parolier, des musiciens et arrangeurs. Un travail d’équipe. J’aime bien avoir des avis différents sur mon produit. C’est enrichissant pour moi. Normalement, le chanteur ne fait que chanter et ce n’est pas à lui de faire tout le travail. Maintenant, pour les titres de l’album, il y a un hommage à Lounes Matoub, du chaâbi, deux duos,… J’ai apporté quelques retouches sur le plan des instruments, mais le style est resté le même. Les thèmes des chansons sont variés, un peu de tout comme on dit. Les paroles de certaines chansons sont de Muḥ At Burenna.

Vous chantez, toujours, habillée d’une robe kabyle. Cette tenue vestimentaire représente quoi pour vous ?
Pour moi, la robe kabyle est sacrée. Je ne peux pas monter sur scène sans elle. C’est une partie de moi-même lors d’un concert. On n’a pas besoin d’importer d’autres tenues qui sont, soi-disant, convenables.

On vous laisse conclure...
Merci à vous et à tout le collectif de votre journal. Merci, aussi, pour cet accueil chaleureux qui m’a été réservé par le bureau de La Dépêche de Kabylie de Tizi-Ouzou.

Entretien réalisé par Hocine Moula ( source la depeche de kabylie)


Tag(s) : #CULTURE
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