L'Association Allagh de la commune Bouhinoune (Tizi-Ouzou) a remis à Ali Yahia Abdennour le Prix Taous Amrouche pour l'authenticité et la modernité. A cette occasion, l'ancien avocat, militant nationaliste et des droits de l'homme, Ali Yahia Abdennour a envoyé à l'association Allagh ce texte que nous rendons public pour nos lecteurs.
Vivre libre ou mourir est la devise des révolutionnaires. Les martyrs appartiennent au peuple acteur principal de la guerre de libération nationale, et particulièrement à leurs familles, à leurs héritiers, à leurs enfants, la chair de leur chair.
La révolution inachevée et détournée a dévoré ses propres enfants, justifiant par avance les crimes commis en son nom.
Ouali Bennai, Amar Ould Hamouda, M’Barek Aït Menguellet, Salah Aït Mohand Said et tant d’autres, qui ont récupéré l’histoire et la mémoire du peuple amazigh qui existe avec ses racines, sa culture, sa langue, son génie propre, ont été assassinés parce qu’ils sont revenus à l’esprit de résistance de Massinissa, Jugurtha, Kahina et Fadhma N’Soumeur. Ces visionnaires qui ont redonné souffle, élan et vitalité à l’amazighité digne de respect, de dévouement et de sacrifice, avec son ethnie définie de façon privilégiée par la culture et la langue maternelle, fécondée au cours des siècles par la philosophie grecque de liberté et d’égalité, et par l’héritage commun de l’humanisme, aux quels elle a apporté sa noble et précieuse contribution, ont fini par avoir raison.
Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi ont fait leur devoir au service de la révolution jusqu’au sacrifice de leur vie. Parmi tant d’images qui affluent dans ma mémoire, je revois celles de nombreux cadres et militants issus de toutes les régions d’Algérie, qui par la voie du devoir, ont libéré le pays que le colonialisme a marqué de ses destructions et de ses cruautés. Dans ce cadre restreint je me contente pour l’exemple d’évoquer la mémoire de deux héros de la région.
Le colonel Amirouche était un guide éclairé et compétent, attentif et averti des événements de la vie, de cette Algérie qu’il a tant aimée, et à qui il a donné le sacrifice final. Il a disparu dans un respect unanime, laissant un sillage lumineux. Son souvenir comme son exemple seront vivants dans nos cœurs.
Krim Belkacem, maquisard de premier plan, diplomate de talent, fut le défenseur avisé et compétent de son pays, le représentant le plus qualifié de la patrie, par ses éminentes qualités de création, d’organisation, de dynamisme, et son sens de l’honneur. Une telle activité suppose manifestement des qualités d’initiative, de ténacité et de diplomatie rarement réunis en une seule personne. Le devoir fut la ligne de conduite de sa vie qu’il mena du 1er novembre 1954 aux accords d’Evian qu’il signa, accomplissant cette noble tâche, au service de l’indépendance de l’Algérie.
L’Algérie indépendante n’a pas fait l’économie du pouvoir militaire. La seule source du pouvoir n’est pas le peuple comme le proclame la constitution, mais les décideurs de l’armée, car qui commande l’armée commande le pays. L’Algérie n’est sortie de l’ère coloniale que pour entrer dans l’ère de la dictature.
L’histoire qui est un lieu de mémoire collective explique que les habitants de ce pays sont des Amazighs amazighophones et des amazighophones linguistiquement arabisés, appelés arabes. Il faut appeler ce pays par son nom l’Algérie et ses habitants par le leur, Algériens et fiers de l’être.
La Kabylie
L’ethnocide est une politique volontaire de destruction d’une culture. Pour qu’il y’ait ethnocide, il faut que les relations ethniques soient établies suivant un schéma de domination dont l’aboutissement logique est la destruction de la culture dominée ou son absorption par intégration ou assimilation. La Kabylie collectivité culturelle a conscience que sa minorisation aboutit en pratique a une profonde aliénation culturelle et même à une acculturation. La conscience identitaire est engendrée par l’oppression culturelle.
Il y’a en Kabylie, là est le véritable problème une volonté profonde de changement de structures des collectivités locales, avec partage des pouvoirs selon la règle d’un Etat central avec des prérogatives régaliennes et nationales : défense, affaires étrangères, justice, finances, police. Aux régions des pouvoirs exécutifs élus, compétents, l’éducation, la santé, l’économie, la culture, la police locale, avec les moyens et les compétences nécessaires. Il s’agit donc de régionalisation et non de régionalisme lequel existe dans les allées du pouvoir, d’autonomie régionale utile à la participation des habitants à l’intérieur d’un cadre où ils partagent le même langage, le même parcours historique, les mêmes intérêts économiques.
Décentraliser c’est distribuer le pouvoir vers les autorités locales, c’est décharger l’Etat de la gestion quotidiennement et laisser aux élus locaux le pouvoir de décision. La régionalisation rétablit et renforce la cohésion nationale et la cohésion sociale.
La centralisation est archaïque, paralysante, ne répond pas aux exigences de la modernité. La volonté centralisatrice ferme, résolue, totalitaire du pouvoir jacobin, a encouragé les autonomistes.
La diaspora
Les Kabyles sont dispersés, résident dans de nombreux pays du monde, s’adaptent aux conditions de vie de la nation où ils vivent. Ils conservent leur identité et leurs spécificités, renforcent leur relation avec leur terre natale. La Kabylie a besoin d’eux pour construire dans les communes, des écoles primaires libres pour inculquer à l’enfant la connaissance, son origine culturelle et la prise de conscience des valeurs historiques nécessaire au développement équilibré du futur citoyen. L’école suscite aujourd’hui un sentiment d’insatisfaction, car elle s’enlise, se fige, perds sa finalité.
Il n’est pas d’hiver qui ne finisse par céder la place au printemps, et dans les situations les plus désespérées, le sursaut qui conduira au salut est possible. La Kabylie force de contestations politiques, a la volonté et la capacité de jouer un rôle de premier plan sur la scène nationale pour conduire au changement du système politique et non à un changement dans ce système.
Ali Yahia Abdennour ( Source le matindz)