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20E ANNIVERSAIRE DE SON ASSASSINAT Le rebelle omnipresent en kabylie

Aujourd'hui, il n'existe pas un endroit public, une station de bus ou de taxis, un café et autres endroits où on ne croise pas son portrait ou sa voix.

En plus de toutes activités organisées un peu partout en Kabylie, en France et au Canada pour marquer le 20e anniversaire de l'assassinat de Matoub Lounès, le rendez-vous le plus important est fixé pour aujourd'hui, lundi 25 juin, comme chaque année au village natal du rebelle, Tawrirt Moussa près d'Ath Douala où ils seront des milliers à venir se recueillir sur sa tombe, mais aussi assister, en soirée, à la projection publique, sur écran géant, du concert magistral de Matoub au Zénith de Paris en 1995 et ce, pour la première fois. D'ailleurs, le nombre de personnes qui vont se recueillir chaque année sur sa tombe dans son village natal, Taourirt Moussa, dépasse des centaines de fois le public que pourrait rassembler n'importe quel artiste lors d'un spectacle. La présence, lors des commémorations, d'adolescents qui n'étaient que des bambins à l'époque de son assassinat, voire non encore nés, est un autre mystère que seul son talent artistique peut expliquer. Sans aucun support médiatique, et en dépit de campagnes de dénigrement haineuse et continue, Matoub Lounès a réussi la prouesse de devenir le chanteur kabyle le plus écouté de tous les temps. Pour cela, il avait une voix extraordinaire, les compositions musicales qui convenaient et les textes qu'il fallait. Le tout paré d'arrangements dont lui seul détenait le secret. Sur le plan artistique, Matoub Lounès a évolué de manière éclatante. Impeccable autodidacte, il avait l'oreille musicale qui lui permettait de distinguer que tel morceau nécessitait des réaménagements et que tel autre était parfait et exempt de retouches.
Lounès Matoub, durant 20 ans de création, a surfé sur de nombreux styles. Il finit par atterrir sur le genre qui lui sied le mieux: le châabi. Dans toute l'histoire de la Kabylie, aucun homme n'a eu l'influence de Matoub Lounès. Une popularité que son assassinat n'a fait qu'amplifier de manière extraordinaire. 20 ans après sa mort, il reste un phénomène que les sociologues auront du mal à expliquer. Il serait difficile de trouver des lectures objectives à la trace immortelle qu'il a laissée dans la région de Kabylie avec toutes ses générations confondues, même celle constituée d'adolescents. Aujourd'hui, il n'existe pas un endroit public, une station de bus ou de taxis, un café et autres endroits où on ne croise pas son portrait ou sa voix. Au lendemain de sa mort, on pensait que l'omniprésence de ses portraits dans tous les coins de Kabylie était provisoire et dictée par le facteur événementiel. On croyait que cet engouement allait s'estomper au fil des années. Ses détracteurs, n'excédant pas une poignée de personnes, ont même osé remettre en cause son talent en imputant son succès à une certaine conjoncture. Mais quelle est cette capacité mystérieuse, autre que le talent, qui pourrait entretenir un succès artificiel et loin de tout support médiatique, 20 ans après la mort d'un artiste? L'intox et les pressions, ayant voulu réduire Matoub à un simple opportuniste politique, ont fini bien sûr par s'effilocher et céder le pas à la réalité. Aujourd'hui, Matoub Lounès est le plus grand artiste kabyle de tous les temps. Jamais autant de livres n'ont été écrits sur un artiste ni autant de thèses et de mémoires de fin d'études universitaires. Aucune autre voix que la sienne n'écume avec une telle constance et une telle prégnance les villes et villages. Matoub a été et demeurera un mystère que même ses plus proches, notamment les membres de sa famille, n'ont pu élucider. On ne comprendra pas ce phénomène de société. On a beau voyager dans ses chansons, tenter de percer les secrets de ses poèmes, ses prémonitions sur sa propre mort, ses prophéties sur le destin futur de la Kabylie et de l'Algérie, on ne saisira jamais assez cette énigme. Son passage sur terre a été une tornade. Tout s'est tellement déroulé de façon rapide! En vingt ans, l'épopée s'est terminée.
Au moment où tout le monde pensait qu'il allait mourir, il est revenu plus fort. A l'instant où on le croyait immortel, il n'est plus revenu. Il faudrait du temps pour comprendre pourquoi Matoub souffrait tant dans sa chair. Pourquoi il était possédé constamment par ce sentiment d'instabilité? Pourquoi tant de désespoir, lui qui a pourtant tant chanté l'espérance? Pourquoi était-il aussi prolifique et innovateur? D'où a-t-il tenu ce don inouï? Comment est-il parvenu à orner ses textes d'une richesse lexicale inédite dans toute l'histoire de la poésie kabyle? Et enfin, comment a-t-il pu concilier sa personnalité apparente de turbulent, d'anarchiste et de provocateur d'une part avec sa personnalité forte, profonde et sensible qu'on retrouve dans ses chansons d'autre part? Y avait-il deux hommes en lui?
Ceux qui écoutent ses chansons se reconnaissent dans chaque mot et dans chaque strophe de Lounès. Qui d'eux ne se pose pas la question si telle ou telle chanson n'a pas été écrite sur sa propre expérience? Certes, la Kabylie sur laquelle a chanté Lounès n'existe plus. Beaucoup de choses ont changé depuis 1998. Il a anticipé cette métamorphose dans une chanson de son album posthume intitulée «Iluhqed zhir». Mais la Kabylie des années 80 et 90 restera dans l'histoire pour une multitude de raisons. Pour connaître ces dernières, il suffit d'écouter les chansons de Lounès. Il a tout dit.

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Tag(s) : #CULTURE
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