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 Hygiène publique dans la ville d’Oran Un petit tour… de nettoyage et puis s’en vont

Dans son rapport du mois de mars 2018, la commission “Santé, hygiène et protection de l’environnement” de l’APW était arrivée à la conclusion que la collecte des déchets par les moyens directs de la commune a révélé un manque de planification au niveau de la pré-collecte et la collecte.

L’apparition, en août dernier, de foyers de choléra dans certaines wilayas du centre du pays, a renvoyé aux Algériens l’image de leur environnement dégradé, sans hygiène, envahi de saletés et de déchets de toutes sortes. Dans un élan presque salvateur, via les réseaux sociaux, qui donnent de plus en plus le pouls de la rue, des appels à de grandes opérations de nettoyage ont été lancés. À Oran, ces opérations se sont produites, y compris avec des groupes de jeunes lançant des défis, sur le Net “un footing, combien de déchets ramassés…”. Dans la foulée, les responsables et élus locaux ont pris le train en marche, avec des appels pour “un sursaut de citoyenneté et de civisme” mobilisant pour la cause des associations de quartiers, les mosquées, afin d’impulser de nouveaux comportements au sein de la société, et redonner un visage humain à la ville. La commune d’Oran, qui dispose en temps normal d’un peu plus de 40 bennes-tasseuses, appuyée par l’ Epic Oran Propreté, a initié depuis la fin du mois de juillet, de grandes opérations d’éradication des points noirs dans des quartiers tels que Haï Bouamama, les HLM, Haï El-Badr, El-Ottmania, mettant à contribution des centaines d’agents d’entretien, parfois appuyés par des habitants des quartiers et la mobilisation de dizaines d’engins. Bilan : plus d’une centaine de tonnes de détritus ont été collectées.
 
Des actions ponctuelles sans effets
Aujourd’hui, un peu plus d’un mois après cet élan de propreté, c’est le retour à la case départ : les déchets, les bacs et poubelles, débordants ou éventrés, s’étalent encore une fois à la vue de tous, sur les trottoirs, les terrains vagues, aux abords de cliniques, d’écoles, dans quasiment tous les quartiers périphériques et grands ensembles immobiliers. La plateforme du tramway n’est pas épargnée, devenant, comme à St-Eugène, un dépôt d’ordures, de cartons et autres déchets ménagers et solides.
Pour le centre-ville d’Oran, le constat déplorable et repoussant est à l’identique. Mis à part quelques endroits stratégiques, faisant office de “vitrine d’Oran la méditerranéenne”, il suffit juste d’emprunter une ruelle parallèle à la rue Larbi-Ben-M’hidi ou la rue Khemisti pour constater l’ampleur de la dégradation de l’environnement, de l’espace public et de l’hygiène. Ainsi les trottoirs, généralement “défoncés”, sont toujours aussi crasseux, glissants par endroits, les amas noirâtres le long de ces mêmes trottoirs, dégagent des odeurs d’eaux usées. Aux quartiers St-Pierre, Plateaux ou El-Derb, des rats presque aussi gros que les lapins narguent, en plein jour, les passants. Il faut dire que l’état du milieu favorise amplement cette prolifération de ces rongeurs, avec les marchés informels où même légaux transformant la rue en décharge sauvage. Plus grave, depuis des semaines, sur le front de mer, des passants sont incommodés par des odeurs fécales répugnantes. Tout le monde s’interroge pour savoir qu’elle en est la cause. Pas de réponse. Alors que la ville d’Oran a l’ambitieux projet de marquer les Jeux méditerranéens de 2021 qu’elle organise, la question cruciale des services de base de la commune pour l’hygiène publique est préoccupante et doit être traitée en urgence. Déjà, dans son rapport (mars 2018), la commission “Santé hygiène et protection de l’environnement” de l’ APW était arrivée à la conclusion que “la collecte des déchets par les moyens directs de la commune a révélé un manque de planification au niveau de la pré-collecte et la collecte, un parc communal en mauvaises conditions, un financement inefficient avec des déficits chroniques et des recours incessants aux subventions de l’État”, alors que des études ont été financées par le passé pour des schémas directeurs de collecte des déchets ménagers pour le groupement d’Oran.
Dans ce rapport, il est encore indiqué que 54% des déchets produits sont putrescibles et 18% sont des plastiques.
 
De l’assistanat à la citoyenneté effective

Le constat amer d’un employé de la commune d’Oran, qui s’est confié à nous est récurrent : “On ne comprend pas, ils (les habitants, ndlr) se plaignent de la saleté, nous accusent de ne pas assurer le ramassage, mais ils ne font rien pour changer de comportement, ils jettent à toutes heures leurs poubelles, lors des opérations de sensibilisation certains commerçants ont même exigé qu’on leur nettoie nous-mêmes leur locaux commerciaux !” Cette remarque renvoie à la réflexion faite par la ministre de l’Environnement et des Énergies renouvelables ce jeudi à Oran. Cette dernière soulignant l’importance de l’implication de la “société civile” dans la préservation de l’espace public dira : “Le citoyen a été en retrait, c’est le résultat de l’assistanat, il doit s’approprier son rôle.”
Cette réappropriation du rôle du citoyen, comme souhaité par la ministre est évoquée avec justesse, par Mohamed Mebtoul (professeur de sociologie à l’université d’Oran) et ancien directeur de l’unité de recherche en sciences et santé (Gras), dans un ouvrage consacré à “La citoyenneté en Algérie”. Ce dernier nous dira s’agissant de l’hygiène de l’espace public, qui est primordial, qu’il ne faut pas tomber “dans un moralisme primaire, les gens ne sont pas sales en soit ou sinon, c’est tomber dans un racisme des plus vulgaires. Le problème a trait à l’organisation politique de la société, et elle n’existe pas aujourd’hui”. Le sociologue explique que “le comportement des gens est le produit d’une situation qu’ils ont vécue, la saleté dans l’espace public est déjà dehors avant que les gens ne jettent les poubelles (…), il y a un environnement tel qui amène les gens a un retrait une indifférence, ils ne se reconnaissent pas dans l’espace dit public qui est espace politique, la citoyenneté c’est la reconnaissance public de l’autre”. Cette non-reconnaissance est dans la bouche de tous les citoyens que nous rencontrons lorsqu’ils lâchent : “Les élus, les responsables ?... Ils ne nous connaissent que pour les élections !” D’ailleurs pour le professeur M. Mebtoul, il ne faut pas généraliser : “Des villes en Algérie sont propres”, explique-t-il, ajoutant que “tout dépend du rapport que le pouvoir local a envers la ville, la question est de savoir comment faire aimer la ville aux gens, comment les faire participer à la décision de la ville, c’est cela la citoyenneté”.
 La construction de la citoyenneté, désormais comme solution au respect de l’espace public, de sa préservation, sera donc une volonté politique, mais passera aussi par l’éducation des enfants. C’est le réseau éco-citoyenneté d’Oran pour les enfants, qui pourra peut-être mettre sa pierre à l’édifice.
D’ici 2021 et pour ne pas vivre avec le spectre du choléra ou comme par le passé, de la peste, des infections ayant à l’origine le manque d’hygiène, les autorités locales sauront-elles faire des habitants d’Oran des citoyens de leur ville méditerranéenne ? L’enjeu des JM de 2021 n’est pas seulement local, il est national au vu de l’implication et du “volontarisme des autorités centrales à l’endroit d’Oran”. Et 2021, c’est déjà demain.


D. Loukli. ( Source liberté)

Tag(s) : #environnement
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