Paris honore Slimane Azem !

C’est par une très belle après-midi ensoleillée ce samedi 11 octobre vers 15 heures qu'une foule très nombreuse a participé à l'inauguration de la première place Slimane Azem dans le 14eme arrondissement de Paris rue Vercingétorix. L'ambiance était très conviviale, avec des stands, une exposition, des poteries, bijoux qui symbolisent la culture kabyle. Les organisateurs avaient préparé des gâteaux kabyles, des beignets et un taboulé kabyle en l’honneur du grand poète . Des anonymes et des personnalités du monde culturel et de la chanson (Idir, Ait Menguellet, Takfarinas, Rachid Mesbahi, Akli D, Aldjia...) ont répondu à l'invitation d'un collectif d'associations (Ameslay, CBF et AJKF) et de la mairie du 14ème qui ont longuement oeuvré dans l'ombre pour qu'une place parisienne soit baptisée au nom de Slimane Azem.

Le plus célèbre chanteur de l'exil kabyle en France se voit aujourd'hui honoré par la France alors qu'il demeure ignoré et exclu de toute reconnaissance officielle en Algérie. Aucune rue ou place en Algérie ne porte son nom alors qu'il a pourtant chanté l'indépendance de l'Algérie. Engagé jusqu’à son dernier souffle dans la lutte pour l’Indépendance il n'a toujours pas la reconnaissance qu’il mérite.

Peu à peu, la République Française commence à reconnaître les figures marquantes de la culture amazighe mais il nous incombe maintenant de poursuivre dans ce même élan. Il sera bientôt temps que le futur Etat prenne les choses en main en redonnant en toute les légitimité les noms des rues et des établissement en kabyle ou au nom des siens. La Kabylie doit commencer dès à présent à se réapproprier ses espaces, se reconquérir et se reconstruire par elle-même.

Slimane Azem, constitue une figure emblématique intéressante pour la compréhension des mécanismes qui mènent à l’engagement culturel. Il est pertinent de se pencher sur les conditions qui ont mené notre poète en France, de comprendre les étapes qui ont constitué des moments forts à la prise de conscience de soi et servi de prélude à l’engagement culturel sur la scène nationale et même internationale. Ses chansons sont pleines d’enseignement. Son itinéraire confirme bien qu’il existe une relation étroite entre contrainte sociales et détermination politique, Son engagement était tourné vers la reconnaissance de la kabylité au niveau de l’opinion et des instances internationale. En réalité sa pensée et son action visait la situation des gens opprimés, et restera très vivante dans les mémoires comme un acte d’émancipation politique et culturel kabyle. Il avait une position d’avant-garde pour son époque avec une vision de laïcité séparée du contexte religieux de l’Algérie des années quarante.

L’engagement qui caractérise l’œuvre et l’action de Slimane Azem se réalise à partir d’une prise de conscience qui s’effectuera progressivement au fil des événements. Certes d'abord affecté par la situation algérienne plus particulièrement que par la question culturelle qui se pose dans son milieu très restreint, mais néanmoins actif, pour lui "la spoliation et l’injustice sont loin de rendre explicites la profondeur du ressentiment qui déferle sur les masses populaires", il ne cessera de s’exprimer, d'interpeller les hommes politiques, les journalistes, ou certains intellectuelles qui apportent leurs cautions au pouvoir en place.

De nombreux faits réellement survenus en Algérie avaient été passés sous silence pour des raisons politiques : Slimane Azem les révèlait au grand public. Cette vision qui se fonde sur l’observation des pratiques des gouvernements a conduit le poète à étendre sa réflexion à l’ensemble. Cette position nous a légué des poèmes qui s'inscrivent dans le combat contre la pensée dominante du colonialisme. Son expérience doit servir d’exemple à toutes celles et ceux qui se battent pour l’égalités des droits, où qu’ils se trouvent.

Par: Mokrane NEDDAF ( Source Kabyle.com)