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“Un mouvement, quelle que soit son importance, ne peut se passer d’une élite”, estime-t-il, et toute révolution doit avoir “ses acteurs, un projet de société et des objectifs à atteindre”.  

Militant politique au long cours mais sans attache partisane et un des artisans du Printemps d’Avril 1980, Mouloud Lounaouci, invité hier du Forum de Liberté, a livré une analyse sans concession du mouvement populaire qui a éclos le 22 février 2019. “Ce mouvement pourrait être salutaire. Il a su créer un rapport de force qui a obligé le pouvoir à beaucoup reculer, même s’il n’a pas encore cédé et même s’il aspire à revenir en louvoyant”, explique-t-il. Sous le charme d’une jeunesse qui a forcé l’admiration des Algériens, voire du monde entier, l’ancien militant du MCB trouve beaucoup de qualités à cette “révolution du sourire’’ (un qualificatif qu’il dit beaucoup apprécier). “Le 22 février, il y a eu un sursaut jamais égalé avec cette caractéristique d’être national. Ce mouvement s’est étendu à grande vitesse grâce aux réseaux sociaux. Il regroupe les couches sociales les plus diverses, jeunes et moins jeunes, les pauvres et les riches, etc.”, s’est-il félicité. Autre qualité que le militant berbériste trouve  aux manifestants : leur détermination et le caractère pacifique de leur action. “Les jeunes étaient pacifiques et disciplinés. L’histoire a fini par me donner tort. J’avoue que je ne croyais plus en notre jeunesse. J’ai découvert que la jeunesse qui est visible par ses travers est une minorité visible, mais la majorité est éduquée, perspicace, pacifique, etc”. N’étant pas à une surprise près, M. Lounaouci s’est dit assez satisfait de retrouver la civilité chez les jeunes qui “n’hésitent pas à demander pardon même en se faisant bousculer ou piétiner” sans parler des marches “festives, colorées, gaies”.  Mais toutes ces qualités ne sont pas suffisantes aux yeux du Dr Lounaouci pour qualifier le mouvement populaire de révolution. “On a tendance à parler de révolution à chaque fois qu’il y a un soulèvement populaire”, dit-il.  Convoquant le Printemps arabe pour appuyer son argumentaire, M. Lounaouci estime que celui-ci n’était pas une révolution, mais plutôt une révolte “de la mal vie, de ceux qui n’ont rien à perdre quand ils sortent dans un tel mouvement de masse et dans les foules”. “Les foules seules n’ont jamais fait les révolutions. Un mouvement, quelle que soit son importance, ne peut se passer d’une élite”, estime-t-il. C’est quoi, alors, la révolution ? Définition du vieux militant de l’amazighité et de la modernité : “La révolution a ses acteurs, un projet de société et des objectifs à atteindre.” Pour lui, le Printemps d’Avril 1980 répondait beaucoup plus aux critères de la révolution même s’il n’a pas réussi à faire tache d’huile dans les autres régions du pays, alors qu’il était porteur de revendications à caractère national (libertés démocratiques, liberté d’expression, reconnaissance de l’arabe algérien et de tamazight).
Autre “faiblesse’’ qui, aux yeux de l’invité du Forum de Liberté, caractérise le mouvement : l’absence d’objectif clair. “Le mouvement a tendance à rejeter en bloc le système. Dans ce type d’action, c’est le ras-le-bol qui s’exprime. Ils savent ce qu’ils ne veulent pas, mais ne savent pas ce qu’ils veulent. On est dans l’imaginaire, le fantasme. Et dans l’euphorie, c’est le cœur qui parle et non pas le cerveau. Il faut inverser les choses car les mythes et l’euphorie n’ont jamais abouti à des solutions durables.” De son point de vue, il faut absolument “commencer immédiatement à débattre des questions de société pour éviter de retomber dans les aventures dont on connaît le coût”. Il s’agit de ne pas commettre les erreurs du passé, dont celle qui consiste à éviter les sujets clivants sous prétexte de “préserver du mouvement”.  
Question : le mouvement du 22 février est-il spontané ? Réponse de M. Lounaouci : “Je ne crois pas à la spontanéité, mais cela importe peu. L’important est que les manifestants s’autonomisent. Les mouvements de grande ampleur comme celui-là, même le promoteur, quand il existe, n’y peut rien. C’est pour cela que je dis merci au manipulateur.” Et d’ajouter : “On ne peut pas faire de la politique sans instrumentalisation qui n’a pas toujours un sens péjoratif. L’instrumentalisation de la société ou des électeurs est un outil politique.”
Ce qui n’a pas empêché Lounaouci de mettre le doigt sur les dangers qui guettent le mouvement, comme son saucissonnage ou son fractionnement, la surenchère qui peut déboucher sur des dérives ou sur de la violence, la “peuple-cratie”, le jeunisme, etc.

Par Arab chih  ( Source Liberté)

 

Tag(s) : #POLITIQUE
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