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Avant le 22 février 2019, tous les Algériens adultes – de l’intérieur et de l’extérieur – ainsi que leurs amis étrangers se demandaient – à raison – si une rupture avec le système autoritaire en place depuis l’indépendance était encore possible dans leur pays ? Démocratiquement ; de manière apaisée et pacifique ? Autrement dit, pouvait-on éviter une révolte populaire généralisée, du genre de celles qui ont éclaté depuis l’hiver 2010/2011 dans le monde dit «arabe», qui ont vu combien de têtes «couronnées» tomber comme des châteaux de cartes, ont complètement bouleversé la géopolitique, déstabilisé et ruiné nombre de pays de cette zone attardée et arriérée, dont certains sont encore à feu et à sang ? Il ne faut plus se targuer de dire en effet que cela ne nous concerne pas ou que cela n’arrive qu’aux autres !

Combien de constats, d’analyses, d’essais de sortie de crise ont-ils été faits, dans un passé plus ou moins lointain ou plus ou moins récent, par diverses personnalités nationales (y compris des officiers généraux en retraite), partis ou coordinations de partis, universitaires et autres intellectuels, quels que fussent leurs origines, leurs choix politico-socio-idéologiques et leur ancienne appartenance au sérail ou pas ? Constats et analyses qui ont tous et toutes démontré que l’Etat est déliquescent, que le pays va donc mal ; qu’il est malade et en déclin depuis que tous ses clignotants, politiques, économiques, identitaires, sécuritaires, sociaux et sociétaux étaient passé au rouge ; durant ces deux dernières décennies, particulièrement. Malgré la cruelle réalité et leur pertinence avérée, toutes ces analyses et tous ces constats sont restés malheureusement sans suite  ; faute d’une volonté politique des gouvernants, d’un côté et/ou une prise de conscience et un sursaut de la société civile, de l’autre.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles/ils étaient et le sont malheureusement encore aujourd’hui disparates, personnalisés ou sous couvert d’un zaïmisme débordant et dépassé (anna mir oua anta mir). Et avec ça, une classe politique dévoyée, non représentative parce que divisée, subdivisée à l’extrême même ; pour diverses raisons, dont le zaïmisme précité, les mentalités passéistes ou rétrogrades, l’étroitesse de vue et d’esprit, le conservatisme et les questions tribalo-religieuses, l’infiltration et la manipulation des «services» et le verrouillage du champ médiatique par le système en place… L’heure est grave ! Et il ne faut surtout pas s’attendre à la venue d’un messie ou d’un «imam El Mehdi», tel qu’ancré dans l’imaginaire populaire. Seul un sursaut salvateur de la société civile, aidé et piloté par ses élites démocratiques et modernes (de l’intérieur et de l’extérieur) est capable de sauver le pays de la faillite en cours et des malheurs qui l’attendent en conséquence ; à court ou moyen terme. Presque tout le monde (mis à part la mafia politico-financière, les opportunistes, les thuriféraires, les affidés de tous bords soumis par l’allégeance, l’assistanat, le copinage, prébendes divers) est d’accord sur ce point.

Pauvre Algérie ! Toi qui était prédestinée à devenir le phare ou l’un des deux phares, ex aequo avec l’Afrique du Sud, de par la notoriété acquise depuis ta glorieuse guerre de Libération et tes richesses naturelles et humaines, qu’est-tu devenue aujourd’hui ? Avec l’autoritarisme, le culte de la personnalité, l’omniscience, la médiocrité, la corruption systémique, l’intolérance, l’impunité, l’opacité, l’extrémisme, l’exclusivisme, la violence, l’instabilité, l’atteinte aux libertés politiques, socioéconomiques, cultuelles et culturelles, la clochardisation ou «bidonvillisation» de tes villes et une économie de bazar qui ont caractérisé à ce jour ta gouvernance, tu es reléguée, aujourd’hui, parmi les pays pauvres, les plus déstabilisés et les plus autocrates du continent. Devenant, ainsi, la risée de tes simples citoyens, mais aussi de ceux du monde progressiste !

Puis, enfin, ce qui devait arriver arriva. Ce fut l’éclatement, le 22 février 2019, du mouvement de mobilisation populaire. Un mouvement pacifique et civilisé, initié par la jeunesse, à travers les réseaux sociaux. Une jeunesse qu’on disait pourtant aphone et atone, qui semblait avoir perdu tous repères, pour diverses raisons qu’il n’est pas utile ici de rappeler. Nous ne pouvons que leur dire bravo ; vous avez osé dire «non» au 5e mandat de la honte et oui pour la rupture et une nouvelle République ; en réponse aux thuriféraires du système qui avaient – eux – osé vouloir faire rempiler leur émir moribond afin de faire perdurer le système ! Malheureusement, l’intelligentsia n’a pas suivi massivement ce mouvement, que d’aucuns appellent mouvement prérévolutionnaire, alors que d’autres le qualifient de véritable révolution !

Cela dit, mon véritable propos est de demander à tous ceux qui ont des idées, des propositions de sortie de crise, de rupture et de refondation de la République, d’accorder leurs violons. Nous leur disons, assez, barakat ! L’heure n’est pas (n’est plus) à la question du leadership, à la grandiloquence, la flagornerie ou l’égoïsme (je t’aime, moi non plus), aux chamailleries ou manœuvres politiciennes, aux divergences caractérielles de vue, aux discussions de salon, aux analyses hétéroclites où chacun veut toujours avoir plus raison que l’autre ou d’autres ! Aujourd’hui, vu le degré de décrépitude et de déchéance du pays (classé parmi les derniers dans le monde dans les domaines les plus significatifs), l’heure est à la raison, à l’unisson, à l’unité d’action et au passage à l’acte. Paisiblement, pacifiquement, mais résolument et impérativement ! Comme au 1er Novembre 1954, lorsqu’une poignée de patriotes – unis par un même idéal,  l’indépendance – a pu défier l’une des plus grandes puissances de l’époque et déclencher une guerre de Libération sur l’ensemble du territoire national !

Les propositions parues jusqu’ici sont toutes pertinentes puisqu’elles tendent toutes à une sortie de crise et à un changement pacifique mais avec, chacune, un cheminement différent. Tous leurs auteurs sont cependant d’accord sur un changement radical, pacifique, sans violence, pour le remplacement de la légitimité historico-révolutionnaire par la légitimité des compétences, des urnes libres et transparentes et pour la neutralité positive de l’armée ! Ce genre de contributions est donc à saluer à plus d’un titre. Mais, entre-temps, le hirak, c’est-à-dire le peuple, dans son écrasante majorité a parlé. Il n’y a plus qu’à l’écouter. Principalement les futures élites que sont les étudiants ! Cependant, étant généralement considérée comme une corporation avant-gardiste de la jeunesse d’une société, cette corporation doit d’être plus affirmative et plus combative, en s’organisant, de telle sorte qu’elle puisse sortir, elle-même, une feuille de route populaire consensuelle, à imposer aux résidus du pouvoir, pour la sortie de cette crise !

Mais, avant cela, les étudiants devront d’abord changer de mentalités, se démarquer de leurs accointances idéologiques, politiques ou partisanes et s’affranchir définitivement de leurs tutelles respectives. Ainsi naîtra un véritable débat sur la solution à porter à la crise multidimensionnelle qui secoue le pays depuis bien longtemps, tout en proposant un avant-projet moderne de société. Pour autant, je regrette que ce débat ne soit déjà dévoyé ou brouillé, avant qu’il n’ait réellement commencé ! Je n’en veux pour preuve que l’intervention systématique dans la sphère politique, ces derniers temps, de la haute hiérarchie militaire ; structure dorsale du pouvoir en place depuis l’indépendance ! Une prise de position condamnable et inacceptable dans tout Etat de droit !

Cela dit, dans cette croisée des chemins où est arrivé notre pays depuis le 22 février, l’armée, ossature du régime actuel, devra se contenter d’appeler à un dialogue national, franc et ouvert entre les représentants du mouvement populaire et les résidus du pouvoir actuel, pour aller vers une transition politique apaisée dans les plus brefs délais. Un débat qu’elle devra simplement accompagner et arbitrer sans me permettre de donner des leçons et, sauf le respect que je dois à tous les intervenants passés et à venir, je dirai seulement que nul n’a le monopole de la parole, nul ne détient seul la vérité et nul n’a été délégué – à ce jour, du moins – par qui que ce soit pour régler, seul, la question qui nous occupe, celle de l’avenir de la nation et du devenir des générations montantes !

Je leur dis à tous/toutes et – in fine – aux élites nationales en général, résidentes au pays et à l’étranger, de se ressaisir, se secouer et agir en communion dans ce sens afin que notre pays puisse retrouver sa véritable voie, celle tracée par les initiateurs du 1er Novembre 1954 et réaffirmée par le Congrès de la Soummam du 20 août 1956, qui avait posé les jalons d’une République moderne, civile, sociale, démocratique, que les usurpateurs du pouvoir et leurs affidés ont foulé aux pieds depuis l’indépendance, en instaurant un système populo-totalitariste par la force des armes ! Au risque de me répéter, le règlement de la crise multidimensionnelle que vit l’Algérie ne peut être réglé que par la conjugaison de toutes les énergies et l’étude de toutes les initiatives pour arriver au final à une plateforme consensuelle, base du dialogue tel qu’indiqué ci-dessus !

Jusque-là, le langage des barons, thuriféraires et autres souteneurs du système en place était de pérorer que l’opposition n’avait aucune alternative plausible (El badil) à faire valoir à côté du programme et de la ligne unilatéralement tracés par les tenants du système. Nous leur dirons : voilà enfin diverses alternatives, voire une alternative consensuelle au final ! Ouvrez-nous simplement les portes d’un débat franc, libre et pacifique pour en discuter, si réellement vous voulez le salut du pays et une meilleure vie pour les générations futures ! Aussi, j’invite, j’adjure même toutes les personnalités, l’intelligentsia d’une manière générale – de l’intérieur et de l’extérieur – à conjuguer leurs efforts et à dépasser leur ego ou leurs différends politico-idéologiques éventuels afin de s’unir et d’accompagner, voire de guider cette «Révolution silencieuse» !

En s’impliquant, corps et âme, avec le mouvement estudiantin, fer de lance de la Révolution populaire en marche.  Au risque de me répéter, sans l’apport et l’implication de la majorité des élites (en communion et non séparément), ce mouvement de rupture et de changement ne pourra jamais être mené à bon port ! Et, pour dire les choses clairement et nettement, des élites modernistes et progressistes et non celles sorties des zaouïas et autres instituts islamo-conservateurs ! Des élites confirmées, comme celles en gestation que sont les corporations estudiantines…

Car un pays sans élites est comme un corps sans âme ! Alors, intellectuels de tout le pays, réveillez-vous, unissez-vous, la jeunesse algérienne vous appelle, l’Algérie entière vous appelle au secours. Elle est en danger ; sauvez-là ! Vous ne pouvez pas rater ce grand rendez-vous historique ; au risque de vous discréditer irrémédiablement devant les générations montantes… N’est-ce pas, pour vous, une occasion d’or de prendre votre revanche sur l’histoire, vous qui avez été de tout temps marginalisés, humiliés, ignorés, bafoués ou exilés, par tous les médiocres gouvernants successifs qu’a connus ce valeureux pays depuis son indépendance ! Vive la nouvelle République ! Que Dieu bénisse l’Algérie !

Par :  Saki Chibane ( Source El-Watan)

Tag(s) : #POLITIQUE
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