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Il est vrai que l’égalité entre Algériens, scandée par les idéologues socialiste des années 1960, bien que malmenée, fut utilisée comme ciment moral de la société. L’égalitarisme de façade a longtemps été utilisé pour couvrir la servitude et la tyrannie.

Egalitarisme postindépendance

Ceux de ma génération, même jeunes à cette époque, se souviennent d’une décision de l’Etat en 1970, brutale et limitée dans le temps pour procéder au changement des dinars détenus par les citoyens par de nouvelles coupures fraîchement émises par la banque centrale d’Algérie. On vit alors dans les agences bancaires de longues chaînes d’individus tenants « leurs épargnes » dans des petits sacs et que la chaîne TV unique filmait, des mines patibulaires de maquignons ou autres spéculateurs visiblement gênés de détenir des sommes relativement importantes et raillés et conspués par la vox populi.

Une grande majorité d’algériens n’avaient que peu ou pas d’économies en ces temps là, quasiment pas de comptes bancaires mais bien plus souvent un compte postal et un maigre livret d’épargne.

Aujourd’hui même si d’aucuns continuent à invoquer le principe d’égalité, les algériens contemplent désormais avec fascination l’enrichissement outrancier plutôt qu’avec dédain, colère ou révolte comme autrefois.

Nous ne sommes presque plus scandalisés par les salaires des élus, des footballeurs, ni les fortunes amassées rapidement par les importateurs/spéculateurs ou des dirigeants véreux d’entreprises ou encore des trafiquants de tout bord. Non la chose ne provoque aucune rage ou haine. Il y en a même qui disent que, peu importe la manière, en définitive c’est la volonté d’Allah qui décide, qui sera riche et qui ne le sera pas ! La boussole morale s’est déréglée et le tissu social désagrégé entraînant inévitablement une corruption généralisée et s’est en fait ainsi que marche non seulement l’Algérie mais le monde. Les riches fussent-ils des voyous sont érigés en modèles ou golden boys voire capitaines de l’industrie.

Les travailleurs laborieux de Marx sont moqués ou dédaignés et les jeunes désœuvrés éprouvent de la pitié plutôt que de l’estime, pour leurs parents qui vivent d’un modeste salaire. Aujourd’hui, l’échelle des valeurs s’est retournée et assez souvent, on admire davantage un dealer, un petit mafioso souriant bien coiffé et vêtu à la mode qu’un instituteur terne mais digne. L’intérêt général a été laminé et l’enrichissement par tous les moyens glorifié.

Légitimité et crédibilité perdues

L’heure des bilans vient forcément à l’esprit, en assumant l’héritage moral de ceux qui nous ont précédé assumant leurs illusions, leurs désillusions, leurs méfaits et leurs égarements. Sans oublier les tragédies qui ont décomposé notre peuple en tribus, en communautés, en factions et en clans, anéantissant toutes ses grandes espérances et fondé le sentiment de profonde trahison. Comment peut-on tourner aujourd’hui ces pages sombres ?

Il n’existe aucune autorité politique et morale vers laquelle nos compatriotes pourraient se tourner avec confiance et avec espoir. Aucune n’est vraiment porteuse de valeurs universelles et capables d’influer sur la marche de l’histoire. Qui pourrait aujourd’hui assumer une telle tâche possédant les qualités requises et asseoir une légitimité, crédibilité morale qui est actuellement la plus basse qu’a aucun autre moment de l’histoire de la République Algérienne.  

Nous n’avons connu que des égarements ces dernières décennies et nous sommes rentrés dans une zone tumultueuse, hasardeuse, imprévisible et pleine de dangers qui va se prolonger. Notre peuple est désormais rageur, désemparé, amer, déboussolé et très méfiant ne voulant plus prêter l’oreille aux fabulateurs de tout bord.

Désormais, tous les dérapages sont possibles et aucun parti, panel, système, ni aucune association, institution, zaouïa, n’a un quelconque crédit.  

Le naufrage de la République Algérienne Démocratique et Populaire :

Bien que nous ayons pourtant vérifié par nous même, qu’aucun despote, ni aucune puissance ne peut opprimer un peuple lucide, digne et fier, voyez tout de même, où sommes-nous arrivés !

Depuis, notre société décadente, ayant perdu ses valeurs cardinales, a plongé dans un état de déchéance structurelle qui appelle à l’oppression. Puis par malheur, la société algérienne n’ayant pas réagi aux abus successifs durant un demi siècle, n’est plus un peuple, mais une foule nombreuse, tumultueuse, violente et errante.

 C’est la lâcheté de notre peuple qui a permis l’avènement de nos despotes, nos dictateurs, nos oppresseurs qui doivent se dire : 

« Nous avons été d’odieux criminels, des rapaces, des pillards, mais nous n’avons rencontré dans le regard de nos compatriotes que bienveillance, admiration, voire même soumission. Plus nous nous vautrons dans l’ignoble et plus nous sommes crains et respectés, comme si les gens qui s’aplatissent devant nous cherchent à nous dire que nous sommes les seuls dignes de respect ».

N’est-il pas vrai qu’une quasi majorité d’algériens et d’algériennes de tout niveau et génération ne rêvait-elle pas de pouvoir se rapprocher d’un membre influant de la Hissaba, pour plus de protection, plus d’impunité mais aussi par cupidité ?

J’ai comme chacun un rôle de spectateur et témoin oculaire des événements et je vois défiler l’expérience de l’exercice des mes diverses fonctions économiques, sociales et pédagogiques et au bout, je reste persuader malheureusement de pas être dans l’erreur d’appréciation. 

Je ne veux pas répandre le désespoir ni plonger dans la sinistrose voire prêcher l’abattement et le découragement mais il est du devoir de tout un chacun dans les circonstance à la fois graves et heureuses que nous traversons, de demeurer lucide, sincère et digne de confiance sans nier la réalités des menaces et sous estimer les périls qui nous guettent.

La pire des situations est d’avancer les yeux clos dans le déni, l’aveuglement et l’irresponsabilité sur les routes de notre futur semées d’obstacles et de se dire que : Dieu nous protégera et que tout ira bien !

Pour un sursaut salutaire :

Je veux croire qu’après le premier sursaut populaire du 22 février, un deuxième sursaut viendra de représentants d’une élite honnête et patriote désireuse de redresser le cap et refusant l’anéantissement du mouvement populaire. Ainsi, je veux le croire que la dérive sera enrayée et une dynamique salutaire verra enfin le jour, comme un instinct de survie collectif.

Si on retire l’idéologie révolutionnaire d’autrefois puis le fanatisme islamique du salut des années 1990, sincèrement, je me demande quel est actuellement le ciment de la société algérienne :

  • Le désir de vivre ensemble, la volonté d’appartenir à une même nation ? 

  • Le projet de bâtir une république islamique moralisée par des fetwas de barbus mi-démons, mi-hommes 

  • Le sentiment de combattre un ennemi intérieur ou extérieur commun ? 

  • Celui d’avoir à bâtir un avenir commun dans une société tolérante, moderne et ouverte ? 

  • Ou enfin l’instinct de survie par une cohésion qui lamine temporairement nos différences ?  

Sur ce point j’invite tout le monde à y réfléchir car il en va de notre salut.

Ce que je crois :

J’assiste comme vous au naufrage d’une Algérie mourante emportant toutes les vicissitudes et malheurs et ce n’est pas une tragédie, si c’est pour voire naître sans convulsions une Algérie nouvelle. Et à cet instant voici mes convictions : 

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut continuer le magnifique et historique mouvement du « Hirak » jusqu’à l’avènement d’une République Algérienne authentiquement démocratique, disposant d’une justice indépendante et d’élus représentatifs du peuple.

  •  Ce que je crois, c’est qu’il faut lutter sans merci contre les discours identitaires et religieux qui installent un esprit de coreligionnaires « nous et les autres » comme l’on fait tour à tour, les pseudo-révolutionnaires du FLN  puis les islamistes. 

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut réécrire une constitution qui reprend les revendications du Hirak : Démocratie, Liberté, Justice pour tous, Pouvoir civil, Identité et Authenticité Multiculturelle.  

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut libérer les femmes algériennes, nos mères, nos sœurs et nos filles. Aujourd’hui le tutorat inscrit dans le code de la famille est à mes yeux une infamie, dégradante et avilissante : combien de femmes algériennes ont combattu pour l’indépendance du pays ? Qui sont ceux qui peuvent aujourd’hui prétendre imposer un dictat à celles qui ont luté contre les parachutistes d’Aussaresses ? 

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut rééduquer notre jeunesse qu’elle arrête de mimer les coiffures, les modes et tous les dépravations de l’occident en décadence. C’est la voie du désespoir et celle d’un exil suicidaire. Jeunes algériens et algériennes, votre futur est ici sur la terre de vos ancêtres. Oui votre avenir est dans les sciences et les techniques, l’innovation et la créativité, dans les métiers et les arts, la connaissance et l’effort, l’esprit d’entreprise et l’exploitation de nos terres agricoles, de la mer, de notre nature protégée, des gigantesques étendues sahariennes, de notre sous-sol et nos magnifiques paysages.

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut libérer idéologiquement l’histoire de l’Algérie, terre d’une civilisation plusieurs fois millénaire que nous devons réapprendre et renforcer nos esprits et dire haut et fort : nous sommes à la fois, berbères, phéniciens, vandales, romains, byzantins, arabes, espagnols, ottomans, français et au bout, toutes ces grandes civilisations ont produit une nouvelle nation riche et prospère qui s’appellera l’Algérie nouvelle peuplée de 42 millions d’algériens et d’algériennes. 

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut débrider l’initiative des individus, des associations, des entrepreneurs et des régions du pays par une nouvelle organisation administrative participative, fiscale et associative.

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut mettre l’éducation, l’innovation et la créativité au cœur de notre modèle de développement. La création de richesse par l’homme, l’entreprise, la communauté, la région et la nation, sera notre nouveau programme de développement économique. L’économie de la rente pétrolière  balayée par une économie du savoir et de l’entrepreneuriat. Dans ce contexte, la diaspora algérienne devrait être pleinement associée à cette construction.   

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut réorganiser notre coopération continentale et internationale, politique, commerciale, financière, technique, culturelle, sportive dans un équilibre judicieux qui tienne compte des enjeux et de la conjoncture présente, qui préserve nos intérêts d’abord et qui nous ouvre un large éventail d’opportunités.    

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut regrouper nos ministères de l’industrie, du commerce et des finances pour y concentrer et harmoniser nos moyens et compétences pour atteindre efficacement nos objectifs. Oui au commerce mais uniquement au profit d’un développement durable.  

  • Ce que je crois, c’est qu’il faut préparer les générations montantes aux prochains défis de 2020-40. Tout va s’accélérer et pour ne pas être inscrit au lexique des nations disparues, il faudra concentrer tous nos efforts sur l’apprentissage, les connaissances, les sciences et les technologies avancées avec  un nouvel esprit tourné vers l’ordre du mérite et non plus sur l’argent.       

Je m’associerai pleinement à ceux qui pensent qu’il faille investir massivement dans une harmonisation sociale. Dans une démocratie apaisée où nos élus seront représentatifs de la volonté populaire et qui renforcera le sentiment d’appartenance commune. Pour un Etat de droit  représentatif du peuple, qui organise d’abord la création des richesses puis sa redistribution. 

L’Algérie qui m’est chère au cœur, doit se construire pas à pas avec le sentiment que nous appartenons à une même nation, plurielle et diverse réunissant de grandes richesses, capacités et talents et que dorénavant fiers, les algériens et les algériennes vont la faire entrer dans l’histoire des peuples souverains.
 

Auteur
Llies Goumiri  ( le Matindz)
Tag(s) : #POLITIQUE
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